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Portrait de femme avec groupe
Zayane a 75 ans, elle est mère de onze enfants et déjà plusieurs fois grand-mère. Elle habite en banlieue parisienne, un petit appartement en haut d'une tour. Elle n'est pas beaucoup sortie de la cité depuis son arrivée en France. Pourtant, pour être venue d'Algérie, elle a dû en vivre des choses… Mais tout ça, c'est du passé. Aujourd'hui, elle est là où on attend qu'elle soit. Toujours disponible pour qui a besoin d'elle. Toujours des cornes de gazelles dans le placard de sa cuisine, toujours de bons petits plats au congélateur au cas où l'un des enfants passerait pour déjeuner. La vie semble passer comme ça, et Zayane s'en satisfaire. Elle ne se plaint pas, son rôle consiste à être, avant tout, présente pour ses enfants qui la sollicitent sans jamais se soucier de ses disponibilités. Le fonctionnement est bien rodé. Un jour elle reçoit une lettre. Ne sachant pas lire, la première mission consiste à trouver une voisine qui, bienveillante et en échange de quelques biscuits, lui délivre le précieux message. Un homme est mort, quelqu'un qu'elle a connu autrefois, en Algérie… Pudique, elle ne laisse rien paraître de son trouble, mais de retour dans son petit appartement, on sent l'urgence, la nécessité, quelque chose s'est réveillé en elle. L'homme a laissé une boîte à son attention et elle doit aller la chercher, pas d'obligation réglementaire, mais une petite voix intérieure et pressante qu'elle ne peut plus taire. Un voyage tout petit : Paris-province, mais une grande aventure pour Zayane. Sans savoir lire tout est plus difficile, à commencer par le fait de prendre le bon train, dans le bon sens. Un périple dans lequel la vieille femme va se révéler : sortir de la cité lui fait l'effet d'une formidable respiration ! Elle a finalement un sacré caractère ! Dans ce voyage c'est tout un passé enfoui qui ressurgit, elle parle, se confie, s'affirme, existe ! Pendant ce temps, les enfants, poussés par l'inquiétude, se retrouve peu à peu regroupés dans l'appartement familial. De la colère à l'incompréhension, les retrouvailles sont par moment houleuses. Connaissent-ils vraiment leur mère ? Ont-il jamais essayé de la connaître ? Aurait-elle ses secrets ? Les réactions les plus extravagantes cachent un désarroi total face à une situation tout à fait inédite : Zayane, la figure même de l'abnégation, aurait laissé tombé sa famille ? Quel événement suffisamment dramatique et important pourrait justifier une telle attitude ? Tous regroupés autour de cette absence, les enfants sont amenés à chercher à comprendre leur mère d'une manière complètement nouvelle. Tous les indices étaient présents sous leurs yeux. Il s'aperçoivent simplement qu'ils n'ont jamais pris la peine d'essayer de s'y intéresser. Mais peut-être n'est il pas trop tard pour changer de regard et voir, derrière leur mère, cette femme qui toujours s'est sacrifiée, pour ses enfants, pour sa famille…
Ce premier film a été récompensé par le prix du public au festival Premier Plan d'Angers et on comprend pourquoi. Tout commence simplement mais le scénario jamais ne s'épuise, trouvant toujours un ressort dramatique, une idée nouvelle qui nous émeut ou nous surprend. Le tout est formidablement généreux et bienveillant, un film qui fait du bien par les temps qui courent…