Allez les amis, il va falloir changer un peu vos habitudes, accepter d’emprunter l’autre chemin, celui qui vous mène dans un endroit inconnu, peut-être même dans un endroit où vous ne voulez pas aller. Une fois n’est pas coutume, il va falloir suivre un salaud, un magnifique salaud, un beau salaud comme on les aime au cinéma, un salaud qu’on va adorer détester, puis qu’on va finalement se surprendre à aimer, c’est bien là tout l’intérêt de ce petit jeu de pistes. Et des pistes, dans K.O., il y en a, suffisamment pour vous prendre à témoin, pour vous faire gagner un temps d’avance sur les personnages, mais suffisamment aussi pour vous perdre, vous égarer dans une histoire digne d’un bon polar, quand la page se tourne fébrilement avec la petite boule d’excitation au ventre qui signe l’efficacité du récit.
C’est un film de genre, noir bien ficelé, qui vous entraîne dans un scénario à facettes dont chacune brille d’un éclat puissant, attirant par sa force machiavélique le pauvre spectateur, le baladant au gré des rebondissements dans un récit complexe où la vérité n’est bien entendu jamais là où l’on croit.
Aux manettes de cette vaste entreprise, un réalisateur qui sait bien jouer avec les nerfs du spectateurs puisque créateur de la série Les Revenants, singulière saga au charme venimeux où, déjà, la frontière entre le bon et le mauvais, le premier et le second degré, le vrai et le faux, l’imaginaire et le réel s’effaçait sous la complexité humaine. Après Simon Werner a disparu, son premier long métrage, Fabrice Gobert signe là un film ambitieux et fait preuve d’une étonnante maîtrise dans la mise est scène (ne serait-ce que dans le choix du cinémascope qui donne aux images une force particulière).
Le salaud, c’est Antoine Leconte, homme de télévision, homme de pouvoir qui a toutes les qualités requises pour le job : arrogant, dominateur, cynique, incapable de la moindre empathie avec son entourage qu’il n'oublie jamais d'humilier avec le sourire, histoire d’asseoir son pouvoir. Il règne, avec sa gueule de beau gosse et son sourire carnassier, sur toute une petite cour mais lorsqu’il rentre le soir dans sa belle et vaste demeure des quartiers chics, croyez-vous qu’il tombe la veste pour enfiler les pantoufle du gentil mari doux et aimant ? Non, il est toujours le même salaud. Sa femme d’ailleurs, largement cocufiée, va le quitter tant elle est au bout du rouleau.
Des types comme ça ont des ennemis, forcément, et forcément un jour, c’est la tuile. Antoine se retrouve plongé dans un coma profond… Quand il en sort, tout a l'air pareil mais les choses ont changé. On ne le reconnaît plus comme avant, il y a moins de courbettes, il semble avoir moins d’autorité, mois d’ascendant sur les autres… Et pourtant son univers est toujours là, bien en place ! Le soir, quand il se présente à la grille de sa maison des beaux quartiers, pour enfin rentrer chez lui, le code ne fonctionne plus. En fait ce sont tous les codes d’Antoine qui ne fonctionnent plus…
Commence alors une descente aux enfers, ou dans un autre monde, pas un monde parallèle, non, le monde qui était à côté de lui et que, du haut de son arrogance, il ne voyait pas… Mais peut-être que non, peut-être que tout cela n’était qu’un rêve, peut-être qu’il est fou, peut-être qu’il s’agit d’un vaste complot, à moins que…
Il y a milles vies dans celle d’Antoine Leconte et mille interprétation de ce K.O. qui s’ancre à la fois dans une approche sociétale du monde du travail, ses rapports de domination et de castes, mais aussi dans une vision plus romanesque : celle de l’âme, de la reconquête de l’amour perdu, sans oublier bien entendu le fantastique. Efficace en diable.