Cueillir les fleurs sur le pavé est un exercice réservé aux poètes. Basil Da Cunha y excelle...Nous sommes à Reboleira, un bidonville dans la banlieue de Lisbonne. Sans avenir et pourtant pleins de vie, les laissés pour compte du capitalisme perpétuent quelques rémanences catholiques et cultivent une mystique du « no future » tempé-rée de système D, option délinquance. Après huit ans passés en centre fermé, le jeune Spira revient dans la maison de son père, parti tenter sa chance en Suisse ou au Luxembourg. Il traîne avec ses potes, s’embrouille avec un voisin coléreux, en pince pour une fille et cherche bien sûr comment gagner sa croûte dans ce quartier promis à la destruction. Les touristes envahissant Lisbonne, les loyers augmentent et les habitants doivent quitter le centre. Alors on détruit les quartiers périphé-riques pour les loger. Un matin, sans préavis, les bulldozers démolissent les vieux murs. Quant aux gueux qui vivaient là, qu’ils se débrouillent...Si le film de Basil Da Cunha tutoie la misère, il reste ouvert aux sollicitations du rêve. Un cheval blanc sert de déclic à l’éléva-tion spirituelle, à l’espoir d’un ailleurs. Brisé par l’incarcération, mal-aimé, malmené, Spira ne sombre pas dans le désespoir. Il a son coin de paradis, un panorama qui s’ouvre sur les toits de tôle du bidonville. Et assez d’imagination pour concilier un geste de rébellion contre les avancées du monde moderne et un feu d’artifice dédié à la femme aimée...Traqueur de beautés cachées, Basil Da Cunha a embauché les habitants de ce bidonville lisboète pour jouer des rôles proches de ce qu’ils sont dans la vie. Il les a entraînés sur les voies de la fiction, et son naturalisme enchanté magnifie leur humanité.