La première séquence nous rappelle une période que nous aimerions tous oublier : plusieurs jeunes gens se retrouvent à travers leurs écrans (Covid oblige) et semblent ne pas s’être vus depuis fort longtemps. Mais on comprend de suite que quelque chose de fort les a pourtant reliés à un moment décisif de leurs vies. Jonás Trueba leur annonce une grande nouvelle : ça y est, le film est terminé. Il a enfin achevé le montage. Il dure 3h40. Les réactions ne se font pas attendre : « Trois heures ?! Mais qui va aller le voir ?! ». Jonás Trueba de répondre « faisons confiance au public, c’est une expérience très immersive ». Mais j’en vois déjà certains qui vont être complètement rebutés ! En voilà une erreur, car les trois heures quarante (entrecoupées de deux intermèdes) passent bien vite tellement nous sommes happés par cette vie qui défile, ponctuée de grandes questions que nous nous sommes tous un jour posées.
Le réalisateur de Eva en août (sorti en août 2020) nous propose ici une démarche entre documentaire et fiction en suivant le parcours d’un groupe d’adolescents, âgés au départ d’une quinzaine d’années, sur une période de cinq ans. Oui, cinq ans. On comprend alors mieux la durée de ce film hors normes. Et c’est bel et bien ce travail de longue haleine qui nous entraîne dans une chronique captivante de la jeunesse du XXIe siècle. Une jeunesse qui grandit entre crise financière et crise sanitaire. Une jeunesse qui découvre les premières amitiés durables, les premiers positionnements idéaux et politiques, les premiers grands débats, les premiers voyages qui riment avec indépendance, les premiers amours aussi et surtout… Ces adolescents nous parlent de leur insécurité, de leur solitude, de leur avenir ou encore de leurs inquiétudes. Sans aucun fard, entre fragilité et humour, entre intelligence et émotion.
Le tour de force de Qui à part nous (le titre espagnol, Quién lo impide, que l’on pourrait traduire par « Qui nous empêche ? » est beaucoup plus parlant) est de capter avec une grande empathie l’esprit de ce groupe de jeunes adultes et de modifier ainsi la perception que nous aurions de cette période sensible, où chacun de nous se construit, où nous bâtissons les fondations de nos futurs et où nous commençons à découvrir et accepter ce que nous sommes vraiment. Parce que tous ces questionnements nous traversent tout au long de notre vie et nous parlent encore, même si c’est avec moins de rage que lorsque nous avions quinze ans.
Questions sur ce que nous sommes, ce que nous étions, ce que nous continuerons d’être et surtout sur ce que nous pensions être ou devenir. Questions auxquelles une partie de ces jeunes adultes essaient de répondre à la fin de cette grande aventure. Ils vont sans doute devoir apprendre, comme la plupart d’entre nous devenus adultes, que nous n’avons sans doute pas tenus les promesses ou les engagements que nous nous étions faits à nous-mêmes mais que nous essayons tous, au maximum, de ne pas renier ce que nous sommes et nos valeurs. Car, au final, qui, à part nous-mêmes, nous empêche de tout réaliser ?