CANNES 2017: FILM D'OUVERTURE
Après l'oubli – assez incompréhensible – par le comité de sélection du très beau Trois souvenirs de ma jeunesse il y a deux ans, Arnaud Desplechin est de retour dans la sélection officielle du Festival de Cannes, hors compétition – il s'en fiche probablement un peu et nous aussi – mais en ouverture. Qui le voudra verra dans Les Fantômes d’Ismaël bien des références, des chassés-croisés, de simples clins-d’œil ou des échos plus intimes à la filmographie d’Arnaud Desplechin, et plus largement au cinéma qu’il affectionne, qui le nourrit, qu’il admire.
Qui le voudra verra dans Les Fantômes d’Ismaël un hommage à peine dissimulé aux héroïnes hitchcockiennes, en particulier celles de Vertigo (le personnage interprété par Marion Cotillard se prénomme Carlotta…) ou de Rebecca : femmes à la beauté excessive et sauvage ou à la grâce plus froide et discrète dont les âmes sont traversées par la passion amoureuse, les fantômes du passé ou l’éternelle question de l’identité. Mais on peut bien évidemment plonger avec Ismaël et ses fantômes en étant vierge de toutes traces cinéphiles, le voyage n’en sera pas moins agréable, ni moins fort, peut-être même sera-t-il encore plus surprenant, plus déconcertant. C’est un film à tiroirs, un puzzle, un subtil assemblage de morceaux de vies éclatés, comme Desplechin les affectionne. Un film où la fiction dans la fiction se joue de nous et des codes classiques de narration, où le fantastique n’est jamais très loin. Un récit qui caresse comme pour s’en moquer les histoires d’amour tourmentées de ces pantins faits de chair et de mélancolie, puis qui glisse doucement vers la farce avant de se tourner comme par erreur vers le film d’espionnage et de finir dans les beaux draps de la comédie dramatique, sous lesquels, immanquablement, s’agite le trio amoureux (un homme, deux femmes). Autant dire que vous serez un peu baladé au milieu de ces personnages un peu fous… fous d’amour ou de regrets, fous de l’irruption inattendue des fantômes du passé, fous de la laborieuse fabrication d’un film, fous d'être promenés dans les arcanes des services secrets internationaux…
En dire trop serait sacrilège… alors voilà ce qu’en dit le maître de marionnettes : « C'est le portrait d'Ivan, un diplomate qui traverse le monde sans n'y rien comprendre. C'est le portrait d'Ismaël, un réalisateur de films qui traverse sa vie sans n'y rien comprendre non plus. C'est le retour d'une femme, d'entre les morts. C'est aussi un film d'espionnage… Cinq films compressés en un seul, comme les nus féminins de Pollock… » Ismaël (Mathieu Amalric, qui ré-endosse ici l'identité d'Ismaël Vuillard qu'il avait dans Rois et reine) – pas plus que Bloom, son maître en même temps que son ex beau-père – ne se remet pas de la mort de sa jeune épouse Carlotta, disparue il y a vingt ans. Il vit cependant une relation forte avec Sylvia (Charlotte Gainsbourg), astrophysicienne discrète mais passionnée : il l'aime, elle l'aime aussi, ils sont heureux, voilà tout. Mais à la veille du tournage de son nouveau film, consacré au portrait d'Ivan, personnage largement inspiré par son frère, Carlotta, pourtant déclarée officiellement morte, revient. Et bouleverse tout. Sylvia s'enfuit… Ismaël refuse que Carlotta revienne dans sa vie. Il a peur de devenir fou, s'échappe du tournage et s'enferme dans sa maison familiale à Roubaix. Peut-être qu’en tirant les ficelles des personnages de son film, loin du monde, il parviendra à recomposer les fragments passés et présents de sa tumultueuse existence…
"Les Fantômes d’Ismaël" sera visible en deux versions. La version courte, projetée en ouverture de Cannes, sera principalement diffusée, mais quelques cinémas proposeront la version longue de façon événementielle. À Paris la version longue sera projetée au Cinéma du Panthéon.