CANNES 2017: HORS COMPÉTITION
Mauvais garçons
Sans pitié perpétue une tradition imposée depuis quelques années à Cannes par Thierry Frémaux, à travers la sélection régulière d’une série mémorable de films de genre, qui ont démontré l’excellence et le dynamisme du cinéma asiatique et plus particulièrement l’expertise remarquable des réalisateurs sud-coréens dans ce domaine, qu’il s’agisse de Na Hong-jin (dont The Chaser, The Murderer et The Strangers ont été montrés successivement en 2008, 2011 et 2016), Yeon Sang-ho, qui a créé l’événement en 2016 avec Dernier train pour Busan, avant de connaître un succès exceptionnel, ou Jung Byung-gil, qui présente cette année The Villainess hors compétition. Invité à Cannes pour la première fois, le réalisateur Byun-Sung-hyun signe avec Sans pitié son troisième long métrage, après le drame musical sur fond de hip-hop The Beat Goes On et la comédie romantique en 2012 Whatcha Wearin'? en 2012. Il y réunit Sul Kyung-gu, vu dans Peppermint Candy (1999) et Oasis (2002) de Lee Chang-dong, et Siwan, l’un des membres du groupe pop ZE: A. Sorti le 17 mai en Corée et distribué en France par ARP Sélection, Sans pitié est un thriller narquois et très brillant sur le plan visuel qui se déroule dans l’univers de la mafia.
Jae-ho, qui se rêve chef de gang, fait la loi en prison auprès des autres détenus. Mais son autorité est remise en cause à l’arrivée de Hyun-su, un nouveau venu. Des ennemis communs vont les rapprocher et, à leur sortie de prison, leur association explosive et menaçante va amener leur boss, parrain bien implanté dans sa circonscription, à essayer de les éliminer. L'inspectrice Cheon Chief entend bien profiter du chaos de ce règlement de comptes pour tous les mettre dans le même panier à salades et autres grosses légumes. Inutile de dire que la déferlante de la vague dégagiste ne va pas faire dans la dentelle…
Sul Kyung-gu, qu'on avait déjà vu dans Oasis et Peppermint candy, compose avec Jae-ho un personnage de sociopathe très réussi, dont le rire permanent et déjanté porte en grande partie le film. Hyun-su, incarné par une star de la K-pop, et les autres personnages débordent largement leur caractérisation assez convenue, pour au final faire exister entre eux des rapports pas si simples et donner au film une subtilité qu'on n'attendait pas forcément dans un film d'action au rythme effréné comme ici. Pour son troisième film, Byun Sung-hyun, inconnu en France mais déjà doté d'une solide réputation en Corée, réalise un polar inspiré de Scorcese pour ses personnages et son histoire (on pense aux Infiltrés), du Tarentino de Reservoir dogs, le tout à la sauce hongkongaise façon Johnny To et autres brillants esthètes de violence savamment chorégraphiée. Narration éclatée, forme baroque, élégante et diablement efficace, d'une histoire pas très originale à la base, il réalise là un petit bijou de condensé du genre : « J’ai incorporé les éléments classiques et stylistiques des thrillers dramatiques hongkongais des années 1980. Je voulais créer un nouveau style de film auquel le public coréen n’est pas habitué. Un thriller tendu et sans fioritures. » Tendu et sans fioritures, on ne saurait mieux dire.