Jacques (Vincent Lindon) est grand reporter pour un journal du Sud-Ouest. Il a vécu des situations terribles sur des territoires en guerre qui l'ont laissé meurtri. Alors qu'il se replie sur lui même, se barricade dans une solitude douloureuse, il reçoit un mystérieux coup de téléphone du Vatican : il doit venir sans délai à Rome où un prélat qui apprécie son travail souhaite lui confier une mission particulière qu'il n'est pas question de divulguer avant qu'une rencontre ait lieu. Dans une petite ville du Sud-Est, une jeune fille au visage d'ange prétend avoir vu la Vierge et la curie romaine s'inquiète de l'ampleur que prend le phénomène. Il y a de quoi surprendre Jacques qui s'étonne d'avoir été choisi, lui l'agnostique, le mécréant, pour faire partie du petit groupe de travail qui rassemble théologiens, psychiatre, historiens mandatés pour conduire une très sérieuse enquête canonique qui doit déterminer si l'affaire a des fondements sérieux. La plongée de Jacques dans cet univers dont il ne soupçonnait pas l'existence commence par les archives secrètes du Vatican où s'empilent, soigneusement répertoriés, toutes les enquêtes sur toutes sortes de faits que la raison a du mal à admettre. On lui sort les documents de ceux qui ont fait l'objet d'une reconnaissance officielle : Fatima, Lourdes, d'autres encore (Notre Dame du Laus, lieu bien connu de pèlerinage, est à deux pas de l'endroit où se tourne le film…)
Quand il arrive sur les lieux de la prétendue apparition, Jacques est reçu avec réticence, l'annonce d'une enquête irrite, inquiète l'entourage de celle que beaucoup considèrent déjà comme une sainte. Son statut d'incroyant ajoute à la méfiance générale, d'autant que Jacques manifeste son intention de mener sérieusement sa mission à terme, fouillant méthodiquement dans le passé des uns, des autres et particulièrement dans celui de l'élue : Anna dont l'étonnant regard accroche le sien. Elle n'est pas banale, cette fille qui a grandi de famille d'accueil en foyer et qui est désormais l'objet d'une notoriété et d'un culte qui la dépassent, sous la vigilance constante du prêtre qui a pris dès le début ses paroles au sérieux, à deux doigts de se rebeller contre sa hiérarchie. S'agit-il d'une supercherie, la jeune fille est-elle manipulée ? Qu'y a-t-il a dans la tête de ce prêtre qui lui sert de garde rapprochée, orchestre cérémonies et rencontres, assure l'intendance, canalise la foule, l'interpelle de ses sermons : est-il sincère, est-il particulièrement tordu ? Anna est-elle aussi limpide qu'elle le paraît, quel crédit accorder à son histoire ?
Le film n'a rien d'anecdotique et Xavier Giannoli creuse profond dans les questionnements qui se posent à cet homme pétri de rationalisme et qui se trouve confronté tout soudain à une rencontre perturbant ses incertitudes. Jacques n'a pas d'a-priori : la présence fascinante de cette belle fille fragile et déterminée, la foi qui habite ceux qu'il rencontre, les coïncidences troublantes qui interviennent dans sa propre vie… Il lui apparaît vite que sa présence sur cette affaire ne doit rien au hasard. Quelle explication donner à des choses qui dépassent l'entendement, comment interpréter l'inexplicable ? Faut-il croire au surnaturel ? Le film ouvre mille questions et ne prend pas parti. Les faits sont ce qu'ils sont, croit celui qui peut croire… Xavier Giannoli, qui ne laisse rien au hasard et construit des films solidement documentés, a un talent certain pour explorer la nature humaine dans sa complexité la plus intime, sans a priori, sans jugement de valeur, avec cette curiosité et cette empathie pour ses personnages qui nous avaient fait aimer ses films précédents (Marguerite, À l'origine, Quand j'étais chanteur…) L'être humain est un grand mystère… Vincent Lindon et Galatea Bellugi en laissent entrevoir la superbe profondeur.