L'histoire – bien réelle – que raconte Le Chanteur de Gaza est un de ces contes trop rares qui réchauffent le cœur des peuples en souffrance. Mohammed Assaf est un enfant de Gaza, un gamin ordinaire dans ce micro-territoire le plus densément peuplé au monde. Né en Lybie en exil (le village de ses ancêtres est un de ceux qui furent détruits par les Israéliens lors de la Nakba en 1948) mais grandi dans le camp de réfugiés de Khan Younis. Enfant heureux, de parents aimants appartenant à la classe moyenne (sa mère est professeur de mathématiques), qui gagne un peu d'argent de poche en chantant de temps en temps avec sa sœur et quelques copains, dans la rue puis dans des mariage. Et qui se débat avec son petit groupe pour trouver de quoi se payer un peu de matériel de musique. Une enfance un peu tumultueuse mais somme toute heureuse jusqu'à ce qu'un drame vienne endeuiller la famille… Toute la première partie du film décrit de manière à la fois joyeuse et réaliste le quotidien de ces enfants palestiniens qui pourraient être les alter ego d'un Antoine Doinel dans Les 400 Coups.
La deuxième partie suit Mohamed désormais adulte et devenu chauffeur de taxi, qui a fait un trait sur la plupart de ses rêves d'enfant. Mais les circonstances qui dirigent la vie des hommes vont le pousser à reprendre le micro, avec la seule ambition de se produire sur des scènes locales. Mais le succès dépasse ses espérances et avec les encouragements de tous ses amis va naître un rêve fou : concourir pour l'émission « Arab Idol », l'équivalent moyen oriental de nos télé-crochets à succès « The Voice » ou « Nouvelle Star ». Autant dire que ce ne sera pas facile : tout est plus compliqué quand on est un jeune Gazaoui sans le sou. Les liaisons internet pour les présélections en visioconférence sont aléatoires et peuvent dépendre d'un groupe électrogène au fonctionnement chaotique, même quand on veut communiquer avec la Cisjordanie si proche. Se rendre en Égypte pour la sélection est une expérience longue et pleine de dangers : le passage des checkpoints, la corruption obligatoire des officiels… Et quand on arrive enfin à l'hôtel cairote qui accueille la compétition, comment réussir à faire partie des sélectionnés quand une foule de candidats potentiels fait la queue depuis des jours ?
On suit donc Mohammed qui franchit les différentes étapes de la compétition (que les allergiques aux télés-crochets se rassurent, là n'est quand même pas le nœud du film) et ce qui est formidable, c'est l'engouement que va créer son parcours dans tout le peuple palestinien, même à Gaza où en théorie le Hamas condamne la futilité de ce genre de compétitions musicales : on verra pourtant des cadres du très sérieux mouvement islamiste se débrouiller pour ne louper aucune des émissions au cours desquelles Mohammed Assaf se produit. Car Mohammed n'est pas juste un crooner de charme, il n'hésite pas à venir sur les télés arabes chanter la résistance de son peuple et ainsi galvaniser tous les téléspectateurs autour de la cause gazaouie. Et Le Chanteur de Gaza, très chouette film palestinien pour une fois visible par tous, toutes générations confondues, s'avère un joyeux chant de résistance, hommage à la liberté, à la vitalité, à la détermination de la jeunesse palestinienne.