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The Lobster est une fable dystopique qui nous projette dans un monde déshumanisé où le couple est devenu une obligation. Ayant perdu sa femme, un architecte est envoyé d’office dans un hôtel luxueux pour un séjour spécial de quarante cinq jours au bout desquels il est tenu d’avoir rencontré l’âme sœur. Il sera sinon transformé en animal, mais de son choix – c’est dire si le film est aussi glaçant que sardonique. Le pékin moyen choisit en général en chien ; lui, moins standardisé, a opté pour le homard… Certains, qui résistent à ce système tyrannique, se sont camouflés dans la forêt où ils organisent leur survie et la lutte, élaborent des méthodes d’infiltration. Or, ce camp là – c’est ici la force de la satire – n’est guère plus enviable que l’autre : ses partisans s’appellent Les Solitaires. Et toute relation sexuelle y est bannie.
Le cinéaste renvoie dos à dos les deux mondes, gouvernés par le même conformisme aliénant, le même puritanisme. Il le fait avec toute la bizarrerie dont il est coutumier. En multipliant les situations incongrues, en court-circuitant tout ce qui est attendu. La plupart des séquences recèlent une idée, un motif intéressant, un décalage nouveau, toujours inventif d’un point du vue formel. Après le prix Un Certain Regard à Cannes en 2009 et une nomination aux Oscars pour le perturbant Canine, Yórgos Lánthimos confirme tout le bien qu’on pensait de lui avec ce projet ambitieux, première incursion hors de son pays natal récompensée par le Prix du Jury au dernier Festival de Cannes.