La Voie de la justice fait partie de ces grands films de facture classique distribués régulièrement par Warner et qui sont toujours efficaces : sobre, brillant et digne, un violent réquisitoire qui brasse large, contre la justice, le racisme et la peine de mort qui rappelle le beau film de Clint Eastwood True Crime.
Le célèbre avocat Atticus, du non moins célèbre roman de Harper Lee, To Kill a Mockingbird, et tel qu’il est incarné au cinéma par Gregory Peck, a depuis longtemps de la relève. Le dernier en date, Bryan Stevenson, n’est pas un personnage de fiction. Il défend depuis trente ans les Afro-Américains, spécialement ceux faussement accusés et abandonnés dans le couloir de la mort. Inspiré par ses mémoires, Destin Daniel Cretton revisite les débuts de son combat en Alabama au milieu des années 1980, portrait lisse et édifiant de l’émergence de ce héros des droits civils chargé d’innocenter un homme victime d’une justice expéditive, et ouvertement raciste. Michael B. Jordan, d’une assurance tranquille en jeune idéaliste, fait face à Jamie Foxx, tout à fait remarquable en faux coupable. Un cinéma qui flatte notre bonne conscience, et nous rassure sur notre humanité. Le cinéaste Destin Daniel Cretton (Short Term 12, The Glass Castle) semble lui aussi dans cette mouvance, admiratif du long combat de l’avocat Bryan Stevenson pour que soient reconnus les droits les plus fondamentaux d’une communauté depuis longtemps opprimée. Celle-ci remplit les prisons, et semble coupable de tout « dès sa naissance », selon Walter McMillian, un citoyen de l’Alabama faussement accusé du meurtre d’une jeune femme blanche en 1987. Même un étudiant de première année en droit aurait vu à quel point l’enquête était bâclée, biaisée, en phase avec ce racisme profond érigé en système. Cette affaire, ses revers spectaculaires, et son dénouement inattendu furent les éléments qui ont inspiré Cretton et le scénariste Andrew Lanham dans les mémoires de Stevenson, celui que l’archevêque sud-africain Desmond Tutu avait qualifié de « Mandela de l’Amérique ».
La voie de la justice présente d’abord un solennel face-à-face entre l’Afro-Américain venu du Nord ayant réussi à s’affranchir de sa condition (tout en ressentant une certaine culpabilité) face à son semblable à qui une existence laborieuse, au Sud, ne laisse aucune chance. L’écart apparaît encore plus frappant grâce à l’assurance fragile telle qu’incarnée par Michael B. Jordan en jeune avocat idéaliste devant l’intensité maîtrisée de Jamie Foxx en faux coupable, une de ses meilleures performances depuis Ray. utour d’eux grouille une foule de personnages solidement campés par des acteurs qui n’ont plus rien à prouver, dont Tim Blake Nelson en éclopé forcé de se parjurer pour servir les visées racistes de ses bourreaux, et Rob Morgan en vétéran traumatisé de la guerre du Vietnam pour qui la prison est le seul hôpital psychiatrique disponible. D’autres performances sont dignes de mention, Destin Daniel Cretton rassemblant une foule d’interprètes dévoués, même pour des rôles furtifs, ou utilitaires, comme celui de Brie Larson en militante déterminée.
Un très grand film.