À ce stade, il doit y avoir toute une génération de réalisateurs influencés par les facéties éclairées d'un certain Nicolas Winding Refn, car Berlin Alexanderplatz, un des titres du programme de plus en plus fastidieux de la compétition internationale du 70e Berlin, pourrait facilement être confondu avec une incursion soudaine du Danois sur le territoire du cinéma de langue allemande. La seule différence est que dans le cas de cette adaptation par Burhan Qurbani du roman écrit en 1929 par Alfred Döblin, déjà porté à l'écran dans un film mémorable par Fassbinder, le sérieux l’emporte largement sur le trashy, et pas de Ryan Gosling en vue.
Le film, annoncé comme "une adaptation moderne et libre" représente certainement un relooking significatif, qui a du reste du sens, le héros étant à présent un immigré africain (interprété par un Welket Bungué plaisant), de Guinée-Bissau pour être exact, qui a du mal à trouver sa place quand il arrive à Berlin.Et, pour chaque bonne scène qu'offre le film, souvent agrémentée d’une voix off augurale, Qurbani a des trébuchements qui semblent assez démodés – et la strip-teaseuse a beau servir tout un tas de shots, ça ne changera rien. Surtout vu la manière dont le film traite les femmes, qui sont des commodités ou, au mieux, font leur possible pour trouver quelque chose à se mettre sous la dent dans les cartes clichés qu’on leur a distribuées. Un bon exemple est celui de Jella Haase, de nouveau dans le rôle d’une "cruche au bon cœur" (à ce stade, il serait temps qu'elles forment un syndicat !), qui reste tout du long le sous-fifre de cette odyssée masculine.
C’est une odyssée qui reste très regardable, on l'admet, car Berlin Alexanderplatz fait l'effet d'un combo intrigant entre un film d’art et d'essai d'une longueur impardonnable et un bon vieux feuilleton télévisé, et les innombrables attractions qui viennent s'aligner ici continuent de... eh bien de venir. Il y en a presque trop pour qu'on puisse en mentionner, franchement, car c’est indéniablement un chemin long et sinueux que parcourt Francis, qui sera ensuite rebaptisé Franz. Il veut de toute son âme être un homme bien, mais finit toujours par tirer la courte paille, surtout après sa rencontre avec un dealer nommé Reinhold (interprété par un Albrecht Schuch au dos tellement courbé tout le temps qu'on a l'impression qu'il cherche à imiter quelque chose que Pacino aurait fait dans les années 1970) qui a lui-même le gros problème de.... comment dire ?... de ne pas savoir tenir ses engagements.
Ceci étant dit, tout concept sous-jacent qui aurait pu rendre cette œuvre un peu plus riche, voire carrément moins superficielle, finit par être supplanté par des joujoux plus flashy avec lesquels Qurbani peut jouer. Quoique son habilité soit indubitable, au bout du compte, il sacrifie l'intrigue au spectaculaire, et privilégie toujours les oh ! et les ah !, au lieu de viser le cœur. Cela devrait divertir les spectateurs pendant encore bien des festivals, mais on a parfois l’impression qu’il coche des cases, qu’il empile les choses au lieu d’aller plus en profondeur. Pour un récit sur une ville qui peut dévorer tout individu innocent tout comme ces voitures qui ont mangé Paris, l'ensemble est un peu trop propret pour vraiment nous convaincre que c'est un film glauque. Il est vrai cependant qu'un monde où "les hipsters paient le double" pour la beu a des côtés attrayants.