The Leisure seeker, titre que l’on pourrait traduire par « le cherche-bonheur », c’est le nom du camping-car d’Ella et John Spencer, qu’ils ont acheté, on l’imagine, au tout début de leur histoire commune, quand la famille s’écrivait : jeune couple avec deux enfants. Ce camping-car, c’était bien plus qu’un simple moyen de locomotion pour transporter la petite tribu le temps des vacances. C’était la promesse du bon temps, des petits moments de bonheur partagés, ces choses futiles qui riment à trois fois rien quand on les vit dans l’instant et qui reviennent en force, trésors chargés d'émotion, une fois que le temps a fait son sale boulot. Ce camping-car, John, en bon universitaire curieux, aimait qu’il les emmène vers les paysages tout neufs et les rencontres impromptues tandis que Jane, plus casanière, l’adorait surtout quand il la ramenait vers les endroits familiers où elle prenait plaisir à renouer avec ses habitudes. Ainsi vont les familles heureuses où chacun a son mot à dire, où l’on s’agace un peu des mauvais caractères ou des volontés définitives mais où tout le monde trouve finalement sa place et ses plaisirs.
Et puis les années ont passé, les enfants en ont fait à leur tour et tout le monde a pris un gros coup de vieux. Le camping-car jadis dernier cri est désormais totalement vintage et Ella et John ont désormais leur vie derrière eux, chacun traînant comme il le peut son boulet : une vieillesse sans pitié qui n’épargne ni le corps ni l'esprit.
On comprend très vite que la situation n’est pas des plus festives et que l’heure de faire les bagages a sonné… et ce n’est pas pour partir en vacances. Quoique… Après tout… Pourquoi pas… A quoi bon finalement se soumettre à la volonté de ceux qui ont décidé à leur place ? Et s'il était là, l’ultime pied de nez à la grande faucheuse et ses sbires : prendre la route, coûte que coûte et quoiqu’il en coûte du confort, de la sécurité, de la bien pensance, des usages ? Partir loin des emmerdes, loin des enfants qui vous maternent, loin des médecins, loin des lieux clos et des télévisions toujours allumées.
A bord de leur « Leisure Seeker » à peine plus vaillant qu’eux, Ella et John vont renouer avec l’aventure, les rencontres et les soirées diapos qui, bien mieux que tous les médicaments, raniment dans les cœurs la mémoire défaillante. Une chose en tout cas ne s’est pas fait la malle, c’est l’amour qu’ils se portent, mélange de tendresse, celle d’une vie toute entière à s’aimer, et de passion, celle qui enflamma leur rencontre. Sous le signe des mots d’Ernest Hemingway, vénéré et sans secrets pour John, ils reprennent leur route commune, main dans la main.
Il y a bien sûr beaucoup de nostalgie dans ce film-là… Un bien drôle de sentiment, la nostalgie : mal vicieux de la mémoire qui délivre dans une même prescription la douleur de la perte et le baume du souvenir. Ce serait mentir de dire que L'Échappée belle est une folle épopée vers la lumière, que c’est un film drôle et léger. Pourtant de la drôlerie il y en beaucoup et de la légèreté aussi, sans doute parce que le film fait le choix d’un récit doux-amer fait de contrastes et de nuances, mais surtout parce qu’il est porté par deux magnifiques comédiens dont notre mémoire de spectateur a forcément aussi en tête des formidables souvenir de cinéma.