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Vous n'êtes pas prêts d'oublier la gouaille et la bouille joufflue de la rouquine Stella, épatant personnage de collégienne amenée à basculer trop vite dans l'âge adulte alors qu'elle est loin d'en avoir fini avec l'enfance. Stella a douze ans et c'est une pré-ado comme bien d'autres : grande gueule, un peu trop boulotte, pas assez conforme aux modèles imposés pour être à la fois la fille populaire et celle qui attire les regards des garçons. Et comme bien d'autres encore, elle souffre du syndrome bien connu de la petite sœur, celle qui grandit à l'ombre de la grande, d'autant que Katya, son aînée, a comme on dit tout pour elle : grande et svelte, un visage de nymphe scandinave, elle s'est en plus hissée, à force de travail opiniâtre, au rang d'espoir local du patinage artistique, un sport prestigieux entre tous dans son pays, un sport auquel elle sacrifie tout son temps libre et l'essentiel de son énergie, aux côtés de son entraîneur étranger qui fait rêver la môme Stella, en vain bien sûr…
Tout pourrait continuer ainsi, dans cette espèce de déséquilibre familial harmonieux où chacun trouve finalement sa place, cahin-caha, malgré petites bisbilles et menues jalousies… Mais on sent bien, dans le volontarisme forcené de la patineuse, sa soif perpétuelle d'exercice, ses obsessions culinaires que s'installe un malaise de plus en plus palpable.
My Skinny Sister, au titre évocateur même pour l'anglophile balbutiant (skinny = maigre), pose un très beau regard sur un fléau qui touche des millions d'adolescentes, leur famille, leurs amies : l'anorexie, une maladie qui s'accompagne le plus souvent du terrible déni de l'intéressée, laquelle finit par se couper du reste du monde, parfois avec agressivité, toute à son obsession morbide. Il montre aussi à quel point les proches ne se doutent pas de la gravité de la situation jusqu'au jour, souvent tardif, où la maladie a fait des ravages profonds, tant physiologiques que psychologiques. Tout cela est traité avec une grande authenticité, une grande justesse et on n'est pas du tout étonné que la réalisatrice déclare « avoir une expérience personnelle des troubles alimentaires…
Mais ce qui est très beau dans My Skinny Sister, c'est qu'il échappe avec grâce au film à thèse sur l'anorexie pour s'épanouir en une très belle et très délicate chronique de l'amour entre deux sœurs et des tourments de l'adolescence. Avec ses moments bouleversants mais aussi ses moments extrêmement drôles et impertinents, à l'image de l'imprévisible et craquante Stella. On rit de bon cœur à l'audace de la gamine qui drague ouvertement le prof de patinage de sa sœur à qui elle dédie des poèmes licencieux. Et face au désarroi des parents qui, entre coercition et dialogue, ne savent plus quoi faire pour enrayer la spirale infernale dans laquelle s'enferme leur fille aînée, c'est bien leur irréductible benjamine qui, avec son énergie et son appétit de vivre, va peu à peu sauver Katya, envers et contre tout, et d'abord envers et contre elle-même…