J'veux du soleil ! Comme d’autres, jadis, réclamaient du pain certes, mais aussi des roses. Tout un symbole : non seulement de quoi survivre, mais aussi la beauté. Ce petit supplément d’âme qui permet de se faire une belle vie. D'emblée, le film adopte un ton sobre, d’une justesse remarquable, avançant à tâtons, ne matraquant pas son propos, n’assénant pas de certitudes. Il balaie d’un revers les clivages stériles dans lesquels les médias officiels cherchent à enliser le débat. Le film déconstruit de façon imparable le discours dominant qui paraît subitement tellement plus violent qu'un jet de pavé !
Le « gilet jaune » est devenu en quelques mois un symbole dont certains abusent tel le toréador qui agite un chiffon rouge devant le nez d’un gros benêt de taureau. Mais qui sont ceux qui l’endossent pour protester au grand jour et parfois même jusque dans l’intimité de leur appartement « au cas où » l’on sonnerait à leur porte ? Histoire d’assumer jusqu’au bout leurs choix et de les défendre fièrement. Des gros molosses ? Oui pour certains. Mais il y a aussi des mères de famille bien incapables de tordre le cou à un canard ou de molester de pauvres CRS en tenue de Dark Vador. Des pères qui n’en peuvent plus de ne pas pouvoir offrir à leurs mômes du pain, et des jeux aussi. Des jeunes qui savent déjà leur avenir tout bouché avant même d’avoir appris à vivre. Des handicapés en fauteuil qui ne sauraient rivaliser avec un fourgon blindé. On voit bien que tous ceux-là se battent à forces inégales et que s’ils ont un seul ennemi, « c’est la finance », pas les humains, pas le pauvre gars planqué derrière un uniforme. D’ici à ce que les uns et les autres pactisent, s’aperçoivent qu’on est tous embarqués sur la même galère ! Mais c’est une autre histoire…
Le film raconte tout haut ce que l’on sait ici-bas : derrière chaque gilet jaune, il y a un cœur qui bat. François Ruffin et Gilles Perret partent à la rencontre de ces histoires particulières, de ces gens normaux aux parcours différents, désormais unis par le même ras-le-bol, sous la même bannière. Avec eux, on rend visite à cette France défigurée par les zones commerciales, ses habitants qui non seulement se lèvent tôt, mais se font humilier par l’hypocrisie arrogante d’un pouvoir qui leur vomit qu’ils n’ont qu’à traverser la rue pour trouver un boulot. On part en quelque sorte à la rencontre de nous-même. Et c’est absolument réjouissant !
Les ronds-points deviennent des lieux d’échange, de dignité retrouvée, des espaces publics qu’on se réapproprie. On y recrée les agoras que les gouvernements successifs ont essayé de réduire au silence, mutilant systématiquement les lieux de convivialité, les laissant dériver en espaces marchands. C’est comme une traînée de poudre jaune au fond des cœurs, comme une lueur d’espoir. Désormais c’est l'humain avant tout, l’humain la vraie richesse. C’est la fraternité retrouvée… et c’est super émouvant.
Alors n’hésitez pas : offrez une place à vos voisins pas convaincus, à ceux qui n’osent pas s’arrêter aux ronds-points, à ceux qui croient qu’on ne peut rien y changer…