Bang Gang (une histoire d'amour moderne)

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Les faubourgs aisés d'une ville sur la côte atlantique. George, jolie jeune fille de 16 ans, tombe amoureuse d'Alex. Pour attirer son attention, elle lance un jeu collectif où sa bande d'amis va découvrir, tester et repousser les limites de leur sexualité. Au milieu des scandales et de l'effondrement de leur système de valeurs, chacun gère cette période intense de manière radicalement différente.

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Innocents

Bang Gang commence par un plan séquence impressionnant. La caméra se faufile dans une grande villa d'une région littorale lors d'un été caniculaire. S'y déroule une fête orgiaque confuse entre adolescents, et la caméra semble flotter entre les corps et les volutes de fumées illicites. Les cinéphiles penseront immédiatement au cinéma de Larry Clark, photographe/cinéaste américain qui n'a cessé d'observer ce dangereux passage à l'âge adulte, l'éveil à la sexualité et aux transgressions diverses, l'immense solitude de certains ados, même s'ils passent leur temps en bande… Bang Gang pourrait évoquer en particulier Ken Park, mais là ou Larry Clark nous donne une vision désespérée de l'adolescence face à des adultes égoïstes ou psychotiques, la jeune Eva Husson propose une image beaucoup plus nuancée et tendre malgré la crudité des images : il y une vraie énergie assez joyeuse dans son film.
Le récit va suivre deux copines, Laetitia et George. La première est plutôt introvertie et, on le comprend vite, vierge. George, moue à la Bardot et corps de sylphide, est déterminée, directe, et provocatrice. George est secrètement amoureuse d'Alex, le garçon distant et un peu méprisant qui vit seul dans une grande maison, lâché par sa mère partie en vacances. Il y a aussi le voisin, le ténébreux Gabriel, un peu coupé du monde depuis l'accident qui a laissé son père paralysé, et qui trouve dans la composition de musique électro et les free parties un exutoire à sa peine. Nous sommes dans la banlieue plutôt cossue de Biarritz lors d'un été chaud, alors qu'étrangement la radio annonce un enchaînement d'accidents ferroviaires… Alex et son copain Nikita organisent des fêtes qui vont vite dégénérer quand George suggère des jeux qui feraient passer le poker déshabilleur pour un amusement de cour de récré.
Au-delà de l'apparente provocation des scènes sexuelles assez explicites – qui feront jaser les moralistes de tout poil – Eva Husson observe avec une intelligence rare les tourments de l'adolescence : la solitude infinie de ces mômes, souvent de familles de divorcés, qui cherchent en vain une fraternité dans le groupe, la manière décomplexée dont cette génération parle de sexe et le pratique, même si beaucoup restent profondément en recherche de sentiments amoureux profonds et sincères. C'est tout particulièrement le cas de George, la plus faussement libérée de la bande… Il y a aussi le rôle délétère des outils de communication, des réseaux sociaux : on se photographie, on se filme, y compris dans les moments dans les plus intimes, on s'envoie les images, on les partage éventuellement à plusieurs, on les commente, on les « like », on les « unlike », avec le risque inévitable de la dépréciation d'autrui, du harcèlement, du viol de ce qu'il y a de plus secret.
En même temps, dans l’œil d'Eva Husson, tous ces comportements, même si ce sont des erreurs qui peuvent avoir des conséquences graves, construisent les personnages, leur forgent une expérience, car après tout l'apprentissage est fait aussi de grosses plantades. Et si on peut au départ être choqué, ou inquiet, ou désespéré, on se prend à s'attacher et même à trouver lumineux tous ces ados remarquablement incarnés par quelques jeunes acteurs presque inconnus, notamment Marylin Lima (George), débutante bouleversante. Et la mise en scène d'Eva Husson est elle-même lumineuse et débordante d'énergie, utilisant au mieux ces banlieues résidentielles ensoleillées comme théâtre des amours et des cruautés adolescentes.