Elle est l’une des plus célèbres scientifiques du xxe siècle : deux fois nobelisée, inhumée au Panthéon, elle a donné son nom à des facultés des sciences, à un éminent institut et à bien des établissement scolaires… Quelle femme que cette Marie Skłodowska ! Et quelle destinée hors morne que celle de cette singulière chercheuse qui consacra sa vie tout entière, ses nuits, ses jours et sa santé aux lois complexes de la physique ! C’est un regard à la fois extrêmement admiratif, mais aussi fidèle et très documenté que nous livre ici la réalisatrice allemande Marie-Noëlle Sehr pour faire le portrait de Marie Curie, femme moderne dans ce début de siècle au paternalisme dominant, féministe sans jamais porter son statut comme un étendard, passionnée par son travail et prête à braver toutes les contraintes pour mener à bien son ultime projet : l’application médicale de ses recherches sur la radioactivité.
Marie Curie retrace six années qui furent décisives dans la vie de la chercheuse. Six années intenses durant lesquelles elle traversa le petit monde étriqué, machiste et parfois parfaitement réactionnaire de la recherche scientifique française, elle qui cumulait bien des handicaps : femme, étrangère, supérieurement intelligente et déterminée comme une diablesse. Elle se souciait par ailleurs assez peu des conventions et du qu’en-dira-t-on mais elle sut fédérer quelques grands esprits masculins qui furent ses plus fervents alliés.
Le film commence dans l’atelier où Pierre et Marie Curie passent une bonne partie de leur existence : une vie commune animée par la même passion enflammée pour la recherche dont on sent bien qu’elle se nourrit autant de l’intelligence aiguisée de ces deux cerveaux exceptionnels que de l’admiration et du respect mutuels qu’ils se portent.
L’atelier ressemble autant à une salle de cours (le tableau noir et ses équations, les manuscrits) qu’à l’antre de deux apprentis sorciers : chaudrons, épuisettes, minerais en tous genres. Leurs études sur la radioactivité leur valent le prix Nobel de Physique en 1904, prix pour lequel Pierre exige que le prénom de sa femme soit cité conjointement au sien. Mais Pierre Curie meurt brutalement, d’un accident absurde comme le sort en réserve parfois aux êtres exceptionnels (Jean-Baptiste Lully n’est il pas mort de s’être brutalement frappé le pied en battant la mesure avec son bâton ?), et Marie se retrouve démunie, la vie au laboratoire sans le professeur Curie n’ayant ni la même saveur, ni le même sens. Elle a perdu bien plus qu’un être aimé : son mentor, son alter ego, et sans doute son plus fervent défenseur face à une Académie des Sciences exclusivement masculine et peu ouverte au changement.
Marie fait face, redouble d’efforts et de persévérance dans ses recherches ; elle devient la première femme professeur à la Sorbonne, reprenant la chaire de son mari, et va bientôt recevoir son deuxième prix Nobel en 1911, de chimie cette fois, pour la découverte du plutonium et du polonium, et ce en dépit du scandale lié à sa liaison avec le physicien Paul Langevin, un homme marié. Elle continuera inlassablement ses travaux, faisant fi des ragots, fidèle à l’esprit de curiosité qui anima ses premières années d’études, s’inspirant d’une vision résolument moderne de la recherche, tournée vers l’homme et le progrès. Elle croisera la route des plus grands, Albert Einstein et tant d’autres, et inspira bien des jeunes filles pour lesquelles elle fut un modèle d’émancipation.
C’est un biopic qui ne vous réconciliera sans doute pas avec le tableau de Mendeleïev ni avec les concepts de la physique moléculaire si vous n’y compreniez déjà rien au lycée, mais qui vous laissera un beau et grand sentiment d’admiration face à cette étrangère accueillie en France pour étudier et qui donna tant en retour…