Legend

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Londres, les années 60. Les jumeaux Ronnie et Reggie Kray, célèbres gangsters du Royaume-Uni, règnent en maîtres sur la capitale anglaise. À la tête d'une mafia impitoyable, leur influence paraît sans limites. Pourtant, lorsque la femme de Reggie incite son mari à s'éloigner du business, la chute des frères Kray semble inévitable.

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Les swinging sixties

C’est vieux comme le monde, les histoires de chasse sont rarement racontées par les lions. Et les polars ont la plupart du temps pour héros les flics ou les détectives. Heureusement quelques mauvais garçons sont devenus des légendes. Le Far West s’est aussi nourri de la légende de Billy the Kid, le Chicago des années trente a eu Al Capone, le Nice des années quatre-vingt Albert Spaggiari et Paris Jacques Mesrine ou Pierre Goldman. Dans l’imaginaire collectif, le Londres des années soixante, les swinging sixties, évoque cette époque insouciante et élégante où la capitale britannique était le centre du monde occidental moderne. Carnaby Street voyait défiler les extravagances de la mode où se multipliaient les clones de la célèbre mannequin Twiggy. Et Abbey Road fut immortalisée à jamais par quatre jeunes gens dans le vent, qui conquirent le monde de leur rock acidulé, pendant qu’une série culte tout en bottes de cuir et chapeau melon immortalisait l’étrangeté londonienne. Mais le Londres des sixties a aussi son côté sombre.  Dans l’East End, qui quelques décennies plus tôt était le symbole de la lie de la société victorienne immortalisée par Dickens ou Conan Doyle, règne toujours la misère et son corollaire, le grand banditisme. Les princes de la ville sont les frères Krays, deux jumeaux qui rivalisent de violence, maîtres dans l’extorsion tout en prenant rapidement le contrôle des lieux de nuits les plus huppés de la capitale. Les deux chefs de la bande (qui s’appelait, bien avant le capitalisme triomphant, The Firm) étaient jumeaux mais pourtant dissemblables : Reggie savait être impitoyable mais gardait une forme de classe et de raison, et n’était pas totalement dénué d’humanité et de compassion. C’est d’ailleurs sa passion amoureuse pour une jeune rouquine, qui voulait le faire rentrer dans le rang, qui le perdra. Alors que son jumeau Ronnie était, originalité pour l’époque, un homosexuel assumé, doublé d’un schizophrène inquiétant donnant libre cours à des comportements étranges ou ultra violents, qui le perdront aussi. Le côté détonant de ce duo en a fait une légende au Royaume Uni jusqu’à aujourd’hui, plusieurs années après leur mort. Au début des années quatre-vingt-dix, un premier film, interprété par les étranges jumeaux du groupe new wave Spandau Ballet, avait abordé la trajectoire des Krays de l’enfance à l’âge adulte. Le film du scénariste hollywoodien Brian Helgeland (scénariste de L.A. Confidential et Mystic River) observe les jumeaux de leur apogée à leur chute, alors qu’une femme va rentrer dans la vie de Reggie et que la violence et la folie de Ronnie deviennent incontrôlables. Helgeland réussit un film tendu et trépidant tout en décrivant l’ambiance à la fois sombre, décalée et so british de la guerre des gangs de l’East End, entre pauses thé avec maman et fusillades. Mais le film impressionne surtout par l’incroyable performance du décidément formidable Tom Hardy (révélé par Bronson de Nicolas Winding Refn et reconnu du grand public grâce au dernier Mad Max) qui incarne avec une égale puissance les jumeaux, passant du charme de Reggie à la folie de Ronnie : son talent permet immédiatement, grâce à la posture, le regard, les mouvements du visage, d’identifier les frères. Legend s’avère un excellent polar de gangsters avec ses codes, ses personnages secondaires truculents (David Thewlis est excellent en avocat véreux et on a plaisir à retrouver l’acteur italo américain Chazz Palminteri, parfait en mafieux venu de Las Vegas faire des affaires avec les britanniques). Mais c’est aussi un grand film romanesque et souvent touchant sur l’amour fraternel destructeur et sur l’amour tout court, l’histoire étant marquée par l’histoire tragique de Frances Shea, l’épouse malheureuse de Reggie.