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En musique, « capriccio » désigne des mouvements enjoués, des formes libres… C'est léger, rapide, charmant, intense, souvent virtuose et parfois romantique : Paganini composa 24 caprices pour violon, Brahms en écrivit plusieurs pour le piano en fin de carrière, ce qui prouve bien que la légèreté de l'expression suppose une virtuosité qui ne s'acquiert pas du jour au lendemain… Et il n'est peut-être pas anodin qu'Emmanuel Mouret ait choisi de donner ce prénom à une de de ses héroïnes qui donne son titre au film : car, à y repenser, il ne fait pas autre chose ici que nous livrer une partition délicieuse, qui brode sur le sentiment amoureux, ses doutes, ses illusions, ses variantes avec vivacité et bonheur. C'est mitonné aux petits oignons, on sent bien que tout est travaillé jusqu'au moindre détail, la moindre virgule, et pourtant on ne sent pas une seconde le tourment du perfectionniste à l'ouvrage qu'est Mouret : le film coule, heureux, drôle et néanmoins troublant car il pose les questions que tout le monde se pose : qu'est ce que l'amour ? Aimons-nous vraiment quand nous croyons aimer, est-ce une illusion, « un honnête mensonge, un heureux malentendu » ?
Clément – Emmanuel Mouret en personne, parfait dans un rôle très au point de séducteur malgré lui, incertain et maladroit, qui justement plait parce qu'il ne cherche pas à plaire et se contente de laisser entrevoir l'éblouissement qui le saisit quand il se retrouve devant l'objet de ses rêves… Clément, disais-je, est un heureux instituteur sans ambition particulière, adoré par les gamins qui le pratiquent. Notre héros qui n'en est pas un est complètement subjugué par une actrice sublime et adulée dont il retourne voir plusieurs fois les pièces… Hasard curieux, il se retrouve à trois reprises au théâtre à côté d'une jolie fille qui n'a pas sa langue dans sa poche et voit dans cette proximité répétée un signe du destin : c'est Caprice, alias Anaïs Demoustier, dont on soulignera le talent certain pour jouer les perturbatrices patentées et qui illumine un autre film de cette gazette, À trois on y va, autre variation inspirée sur l'amour et ses aléas…
La belle actrice adulée par Clément, qui a pour prénom Alicia – merveilleuse Virginie Efira –, se sort à peine de déconvenues amoureuses qui l'ont blessée et voit dans ce garçon drôle et touchant une possibilité d'amour sans mensonges, un antidote à une célébrité et un confort social qui lui valent flatteries et courtisans trompeurs. La modestie et la délicatesse de Clément, qui a du mal à croire au conte de fées qui lui tombe du ciel, sont un indéniable atout : il est doux et profond, trop émerveillé de ce qui lui arrive pour être du genre à vouloir faire d'elle un papillon de plus accroché à un quelconque tableau de chasse.
Un bonheur n'arrivant jamais seul, Caprice ne renonce pas à cet amour désigné par la main du hasard en personne et poursuit Clément de ses assiduités, peu découragée par ses réticences et ses déclarations de fidélité à une autre, lui conseillant même, pragmatique et obstinée, de considérer ces deux amours comme complémentaires : « sois infidèle, ne sois pas égoïste ».
Aime-ton, ou aime-t-on être aimé ? Aime-t-il Caprice ou est-il seulement flatté, lui, l'obscur maître d'école, par toutes ces manifestations amoureuses qu'il n'est pas sûr de mériter ?… Que ces sentiments sont compliqués à comprendre ! Pour rien au monde, il ne voudrait mentir à Alicia… mais Caprice est une petite perfide, une obstinée qui ne lâche pas le morceau facilement et a plus d'un tour dans son sac. Heureusement le directeur d'école de Clément, qui est aussi son copain, pas désagréable à regarder et à fréquenter par ailleurs, est prêt à le conseiller, voire à l'aider dans la recherche d'un équilibre qui lui permettrait d'aimer qui veut l'aimer sans que la chose ne vire à la catastrophe…