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Lui, c’est Thomas Jacob : bien qu’il vienne du pays de Lars Von Trier et non de celui des Rolling Stones, c’est une rockstar, un auteur-compositeur mondialement reconnu qui a fait toute sa carrière aux states, comme ne le disent plus que les branchés ringards… Une carrière remplie de disques d’or, de salles combles et de groupies en furie. Une carrière qui lui a procuré des plaisirs divers et variés, licites ou pas, dont on suppose qu’il a usé et abusé. Les femmes bien sûr, l’alcool évidemment, les drogues assurément. Thomas Jacob semble aujourd’hui revenu de tout, c’est un rockeur désabusé qui semble ne plus croire à grand-chose et surtout pas à l’illusion d’un bonheur rendu possible grâce à la magie de l’argent et de la gloire. Le succès, les courbettes, les plateaux de télévision lui passent des kilomètres au-dessus de la tête sans même effleurer le cynisme détaché qu’il affiche désormais derrière ses lunettes noires.
Et c’est en râlant, comme un vieil éléphant de cirque qui rechigne à effectuer le dernier tour de piste devant la foule enjouée, qu’il revient au Danemark, son pays d’origine où ne manqueront pas de l’attendre, impatients, journalistes et fans. Lui ne pense à rien d’autre qu’à la raison unique de son retour, la seule à le faire encore vibrer, celle qui reste authentique quand tout autour n’est que bling ou toc : la musique, sa musique. Il doit en effet retrouver sa fidèle productrice et amie pour enregistrer ici son nouvel album…
Mais avant de filer au studio d’enregistrement, il lui faudra passer par la case paternité. Car Thomas a eu jadis un enfant, une fille. Qui est aujourd’hui une jeune femme en manque de repères et de fric, qui ne rate jamais l’occasion d’une rarissime visite de son géniteur pour lui rappeler son inconstance d’hier et lui soutirer au passage le fruit sonnant et trébuchant de sa renommée. Les retrouvailles sont glaciales et les paroles incisives comme à l’accoutumée. Mais cette fois il y a une nouveauté, et pas des moindres : Julie lui présente son fils, Noah, gentil gamin un brin taiseux qui compose intelligemment avec les fêlures de sa mère et aborde ce papy rockeur avec timidité et un stylo à la main pour un autographe.
Ce ne devait être qu’une simple visite de politesse. Chacun aurait dû rester dans son monde, le gamin et sa mère dans leur quotidien anonyme, Thomas dans sa bulle créatrice, loin des autres, loin des contingences matérielles et des rappels douloureux de ses erreurs de jeunesse. Raté. Thomas n'en a pas fini avec Julie, et il va surtout devoir compter avec Noah…
Alors bien sûr, on pourra trouver le blouson de cuir noir un peut trop cousu des fils blancs de l'intrigue… mais on s'en fiche parce que c’est raconté avec justesse et la dose suffisante de tendresse pour que l’on soit touché par ces retrouvailles inattendues. Pas de doute, ça fonctionne ! Grâce à la consistance des personnages, grâce à la musique et à l’ambiance neigeuse et froide souvent présente dans le cinéma danois et que l’on a plaisir à retrouver. Grâce enfin à cette belle interprétation de rockeur crooner à la voix cassée, sensuelle et envoûtante, entre Joe Cooker et Leonard Coen. Toute révérence gardée… Une belle et chaleureuse histoire qui, of course baby, se terminera par une chanson dont je vous laisse deviner le titre…