Quoi de neuf ? L'amour ! Jérôme Bonnell prouve qu'on peut encore charmer, émouvoir, surprendre avec une histoire de trio amoureux. Tout comme il nous avait emballés il y a tout juste deux ans avec la rencontre de deux inconnus dans un train : c'était Emmanuelle Devos et Gabriel Byrne, c'était Le Temps de l'aventure. Bonnell a un vrai talent pour saisir les sentiments dans ce qu'ils ont de plus authentique, de plus instinctif, de plus évident. Un vrai talent pour faire vivre des personnages justes, crédibles, attachants jusque dans leurs faiblesses et leurs contradictions. Des personnages à qui il donne une vraie liberté de mouvement, une vraie possibilité d'évoluer et de nous surprendre, hors de tout a priori et de tout jugement moral : « Je me fiche du bien et du mal. Surtout dans un film sur le mensonge amoureux. L’essentiel pour moi est d’accepter des personnages tels qu’ils se comportent. De les aimer tout le temps et malgré tout, de ne jamais les abandonner, ni les juger. »
Charlotte et Micha sont jeunes et amoureux. Ils viennent de s'installer dans une nouvelle maison, dans les faubourgs de Lille – ville extrêmement cinégénique –, et ils s'apprêtent à vivre un bonheur sans nuage, puisqu'ils sont amoureux. Et jeunes. Mélodie est jeune et avocate. Enthousiaste et débordée, sa candeur débutante lui vaut quelques désagréments avec des justiciables somme toute sympathiques mais pas forcément très clairs dans leur rapport à la vérité. Désagréments pour elle, hilarants moments pour nous !
On découvre assez vite que Charlotte, nonobstant son amour sincère pour Micha, a une laison avec Mélodie. Et on constate presqu'aussi rapidement que Micha est très attiré par Mélodie... et que cette attraction n'est pas à sens unique. Entre marivaudage subtil et burlesque à la presque Feydeau – désopilante séquence qui voit Mélodie se réfugier presque nue sur les toits – se tisse ainsi une comédie de l'amour et du mensonge, double amour et double mensonge, qui évite à merveille le graveleux et le conformisme grâce à sa légereté de ton, à son élégance de facture et à sa liberté de pensée : on sent bien qu'il ne s'agit pas une seconde d'une banale histoire d'adultère ou de jalousie, mais d'une tentative d'envisager les relations amoureuses de manière ouverte et bienveillante, d'une exploration gourmande des chemins buissonniers vers l'épanouissement et l'harmonie : « Cette histoire serait comme un fantasme, puisqu’on y éprouverait la liberté de dépasser tous les maux qui altèrent l’amour : mensonge, trahison, tristesse, jalousie... Faire naître de la paix là où d’ordinaire surgit le conflit. Une sorte de rêve d’amour humaniste... »
La grande réussite de Jérôme Bonnell, c'est de ne jamais se montrer théorique ou psychologisant, c'est de transmettre ses idées sur l'amour et ses variations à travers des situations de comédie, à travers les actions et les réactions des personnages. Ça donne un film en mouvement, tout de fluidité et de grâce, porté par un trio d'acteurs au diapason : Anaïs Demoustier, Félix Moati et Sophie Verbeeck ont la grâce, eux aussi.