Après John From, où João Nicolau explorait les rêves, espoirs et problèmes des adolescents dans la banlieue de Lisbonne, le réalisateur est en compétition au Festival de Locarno avec un aperçu de l’autre bout du spectre de la vie : Technoboss. Ce film décrit en effet la vie et les mésaventures de Luís Rovisco (Miguel Lobo Antunes), un vieil homme divorcé mais toujours vif qui vit avec son chat Napoléon et voudrait quitter son poste à SegurVale, une succursale de Integrated Systems of Access Control, pour prendre sa retraite. Cet emploi plutôt rébarbatif requiert non seulement une mise à niveau permanente au niveau technique, mais aussi des déplacements constants à ses employés, qui passent ainsi leur temps sur la route.
C’est là, sur la route, que tout (ou rien) commence, que tout (ou rien) se passe. La vieille Volkswagen Passat de Rovisco forme à elle seule tout un lieu, un espace intime pour des vérités profondes, des mélodies, des pensées et des résolutions. Luís Rovisco pourrait d’abord être décrit comme un vieil homme typique qui vit une existence banale et sans problèmes : il s’occupe de son chat et de son petit-fils (qu'il va chercher à l’école, aide à faire ses devoirs) et s'acquitte de ses obligations professionnelles. Mais derrière les apparences, il y a une énergie et un goût pour les situations absurdes et comiques qui vont inévitablement l’amener à un vrai changement dans sa vie. Sa dernière mission l’amène du centre du Portugal, où il vit, à l’Hôtel Almadrava, au sud du pays, où il va retrouver une ancienne amante, Lucinda Sousa (Luísa Cruz). C'est là que le film (avec toutes les questions qu'il pose, et les confrontations, erreurs et réussites qu'il relate) commence vraiment. La mission est plutôt simple en apparence, mais Rovisco essaie volontairement de la saborder pour pouvoir rester un peu plus et révéler ses vraies intentions à Lucinda. Tandis qu'il tente de la reconquérir malgré un rejet persistant, le monde de Rovisco n’est pas chamboulé en tant que tel, mais la frontière entre sa réalité et son monde rêvé se brouille. En débutant subtilement au volant de sa 49-43-LR Volkswagen, la fantaisie commence soudain à faire irruption dans sa vie, d’un groupe de badauds à la réception de l’hôtel (qui commencent à lui demander ce qu’ils devraient faire ou non à Cante Alentejano) à la transformation progressive en peintures des paysages qu’il traverse. Initialement réservées à un espace et une sphère intimes, ces situations imaginaires (impossibles et absurdes) commencent à apparaître dans des lieux publics, soulignant la comédie qui existe dans la vie tragi-comique de Rovisco tout en montrant son inévitable transformation intérieure : notre héros, auparavant solitaire, taciturne, et vaillant, finit par réaliser que l’amour, la compagnie et un esprit ouvert pourraient être la clef de son bonheur, dans toutes ses acceptions diverses et variées.
Technoboss, road movie naïf et comique avec des accents de comédie musicale, propose (et c’est plus important) un regard neuf et enjoué sur le vieillissement. Une perspective singulière et une attitude de cinéma unique qui se reflètent dans le style de narration de João Nicolau tout comme dans ses préférences esthétiques et photographiques. Le réalisateur utilise le médium filmique de manière parfois iconoclaste, mais toujours extrêmement variée et surprenante, des angles qu'il choisit à ses compositions de plans. En employant une approche candide et théâtrale, emplie de métaphores visuelles et d’hyperboles qui augmentent la réalité de sa fiction, le film conte une histoire touchante, avec un ensemble de morceaux originaux qui restent en tête : “Technoboss, technoboss...”.