Parfois il s'agit d'un plan. Un seul, qui marque la rétine et contient tous les autres. Tous ceux qui vont suivre se superposeront à ce premier. À l'arrière d'une voiture, deux petites filles, Belinda et Sabrina. Leur accent alsacien, leur gouaille, leur sororité presque gémellité. Et le monde s'ouvre. La réalisatrice laisse ces visages, fermés et enfantins à la fois, se faire dévorer calmement par la caméra, afin qu'on ait le temps de se questionner, d'écouter, de tendre l'oreille. Par bribes, on comprend un peu : la vie en foyer, loin de la famille, et bientôt la séparation de la fratrie. Et puis par la force du montage : il n'y a plus qu'une petite fille à l'arrière de cette même voiture. Et c'est toute la vie de Belinda qui est contenue dans cette ellipse. L'éloignement impossible de l'être aimé. Voilà Belinda, qui on le sait, on le sent, est un abîme. Alors, la suivre c'est plonger dans une vie qui bascule à tout instant. Une vie sur le fil, où cette fille, puis femme, guidée par l'amour, le cherche sans cesse. Il lui glisse entre les mains, la rattrape, la perd, la gagne. Marie Dumora ne lâche pas, elle capte et sonde Belinda et la soutient de son regard aimant. Elle fait partie de ces histoires à rebondissements, elle a accompagné cette famille qui tangue sur son radeau. Et si Belinda est au bord du gouffre bien des fois, cette présence étrange et magnétique en la donnant à voir, l'érige en personnage inoubliable, prise dans la boucle du temps.