3.5 | 3 | 2.5 | 3.25 |
Sexe, cocaïne and rock'n roll
Après La Merditude des choses et Alabama Monroe (César du meilleur film étranger 2014), voici le nouveau film de Felix Van Groeningen, Belgica. C'est le nom d'un club qui résonne comme celui de tout un pays. Mais c'est avant tout un rêve, celui de Jo, un fada de musique qui imagine transformer son modeste et assez miteux bar à Gand en temple du rock'n roll, en arche de Noé, pour les âmes échouées d'une époque qui déjà prédit à ses enfants des lendemains qui déchantent. Le frère de Jo, Frank, est aux antipodes de tout cela. Si le premier à l'air d'un gringalet un brin fragile, le second a une grande et belle gueule et les épaules carrées. Tâcheron de la vie, il tente de se montrer bon père de famille, loyal envers sa compagne Isabelle…
Mais clairement il bout et tourne en rond comme un des chiens du chenil que le couple à monté pour gagner sa vie. Quand Jo lui fait visiter un local mitoyen de son bistrot, il ne lui faut pas longtemps pour rebondir sur l'idée de son cadet. Frank propose de devenir son associé, puis tente de convaincre Isabelle qui ne voit pas ça d'un très bon œil mais abdique devant la détermination farouche de son homme.
Voilà les deux frangins qui s'affairent, rameutent les copains. Tous ensemble ils cassent les murs, font du béton, coulent des dalles, reconstruisent, s'acharnent sans compter leur peine, mouillent leurs chemises et les usent jusqu'à la corde… Et alors que leurs économies s'assèchent, voilà le « Belgica » presque prêt à fonctionner, n'attendant plus que le feu vert de la commission de sécurité. Le début des emmerdes, en quelque sorte, comme chacun sait…
Mais rien n'arrête l'improbable duo. L'inauguration démarre au son d'un délirant remix de « J'aime regarder les filles qui marchent sur la plage… » et cette première nuit va mettre le feu aux poudres ! Très vite le club devient un endroit incontournable, déjanté et chaleureux. Très vite aussi une jolie rousse, Marieke, tombe dans les bras de Jo. Tandis qu'Isabelle, coincée entre ses clebs et sa progéniture, se retrouve exclue des joyeuses sauteries… Ce sont les années 90, torrides, sexe, cocaïne and rock'n roll… Tout y passe ! Mais ce n'est que le début d'une épopée, une plongée dans les milieux moites et interlopes de la nuit, qui laissera des traces dans la ville comme dans la vie des deux frangins…
« Belgica, c'est l'histoire de milliers d'entrepreneurs : on grandit puis il faut abandonner ses rêves. À mes yeux le film raconte en filigrane combien notre société a changé en deux décennies, comment elle est devenue plus sévère et peut-être aussi comment elle a perdu ses idéaux. » dit le réalisateur.
Belgica s'inspire largement de l'histoire véridique du café-concert-discothèque « Le Charlatan », lieu mythique qu'ouvrit le père de Felix Van Grœningen, dans lequel ce dernier grandit et passa une partie de son adolescence. Mais avant même de savoir cela, on aurait juré qu'il y avait du vécu dans ce film. Ce n'est pas une boîte de nuit que construit Felix Van Grœningen avec sa bande de potes d'alors, mais une œuvre qui dépeint la grandeur et la décadence d'un monde un peu vain et en perte de vitesse. Et c'est à la fois dérangeant et touchant…
On ne peut terminer sans une mention très spéciale pour la génialissime bande son, crée par les frères Stephen et David Dewale (Soulwax et 2Many Dj's) qui sont allés jusqu'à former des groupes spécialement pour créer une ambiance sur mesure ! Percutante !