Il y a de quoi être blasé – euphémisme – quand on pense à tous les super-pouvoirs qu’on a vu s’incarner sur grand écran, gonflés aux anabolisants des effets spéciaux mitraillés par les blockbusters. Le cinéma français, lui, s’est heureusement fait une discrète spécialité d’aborder ce genre super-héroïque par le versant d’un réalisme modeste à l’image du très réussiVincent n’a pas d’écailles de Thomas Salvador (Grand Prix du Fifib 2014 !). C'est cette piste qu'a choisi de suivre Léo Karmann pour cette Dernière vie de Simon qui est son premier long métrage.
Simon a un don très particulier : il peut se transformer en d’autres personnes, il suffit pour cela qu'il les touche ne serait-ce que brièvement. Ce secret, l’enfant abandonné à la naissance et qui vit depuis huit ans dans un foyer, le partage, comme la révélation d’un jeu innocent, avec Thomas et sa sœur Madeleine qui l’accueillent le temps d’un week-end pendant lequel l’orphelin s’épanouit au contact d’une famille (ce qui lui manque tant). Mais un drame survient lors d’une escapade en forêt : Thomas tombe dans un gouffre d’une profondeur insondable et Simon, seul témoin, décide de prendre la place du disparu…
Le film se projette ensuite une douzaine d’années plus tard : on fête les vingt ans de Thomas et le souvenir de Simon (à qui on a dédié un emplacement sans corps au cimetière) resurgit au hasard d’une séance de diapositives. Le faux Thomas décide alors de redevenir l’espace de quelques heures le vrai Simon pour le plaisir de déguster une assiette de frites (Thomas est allergique), mais Madeleine (sa vraie-fausse sœur) l’aperçoit, le reconnaît et se lance à sa recherche en souvenir de l’amour qu’elle avait éprouvé pour Simon enfant et parce que la mort la guette depuis toujours à cause d’une malformation cardiaque. Bientôt, les deux jeunes deviennent amants… mais le double-jeu / double-je de Simon ne pourra pas résister très longtemps.
Après un début un peu hésitant, le film trouve sa vitesse de croisière, entre conte et réalisme social, en entremêlant la chronique d’un amour adolescent et une intrigue de plus en plus policière où le personnage principal saute d’une identité à l’autre pour échapper à ses poursuivants. Un jeu de miroirs rondement mené et très bien interprété où la simplicité initiale apparente du scénario prend des dimensions beaucoup plus subtiles et surprenantes. Des changements de style qui font de La Dernière Vie de Simon un film accessible à tous les publics dont les sujets sous-jacents (qui est-on vraiment ? jusqu’où peut-on feindre d’être autrui ou se projeter dans l’existence d’autrui ? quid des liens biologiques du sang ? etc.) pourront affleurer pour ceux qui souhaitent explorer une autre lecture possible d’un film que les plus jeunes apprécieront pour ce qu’il est au premier degré : une bonne histoire sur les péripéties d’un super pouvoir dans le monde réel.