Boyhood

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Chaque année, durant 12 ans, le réalisateur Richard Linklater a réuni les mêmes comédiens pour un film unique sur la famille et le temps qui passe. On y suit le jeune Mason de l'âge de six ans jusqu'à sa majorité, vivant avec sa sœur et sa mère, séparée de son père. Les déménagements, les amis, les rentrées des classes, les premiers émois, les petits riens et les grandes décisions rythment sa jeunesse et le préparent à devenir adulte...

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Un projet de cinéma insensé et unique qui, dès son énoncé, vous donne le tournis et des frissons d'admiration : suivre pendant douze ans, à raisons de quelques jours de tournage par an, les mêmes acteurs afin de raconter, dans sa durée quasi-réelle, l'histoire d'un enfant qui grandit, devient adolescent puis jeune adulte. Un enfant et sa famille : sa mère, sa grande sœur, son père biologique et les différents beaux-pères qui se succèdent pour le meilleur et souvent le pire.

On rappellera ici que le réalisateur Richard Linklater a déjà expérimenté cette idée de fiction sur la durée avec sa trilogie Before Sunrise, Before Sunset et Before Midnight, dans laquelle il a fait évoluer, à raison d'un rendez-vous tous les dix ans, le couple de cinéma Julie Delpy / Ethan Hawke. Ou comment montrer le passage du temps sur les corps et les sentiments…

Au début du film, le héros de Boyhood, Mason Jr, a encore le temps de s'inquiéter de l'usure du temps… Il a six ans et s'avère d'une nature rêveuse : le premier plan le montre scrutant l'immensité du ciel. Peu à peu l'insouciance va s'effacer lorsque son père, qui les avait plus ou moins abandonnés lui et sa sœur, resurgit dans leur vie au volant de sa Mustang, de retour d'Alaska. Et ce bouleversement vient s'ajouter à la décision de leur mère d'aller d'habiter à Houston, capitale du Texas…

C'est le premier déménagement, la première séparation avec les copains de BMX, la découverte inquiète d'une nouvelle école et de ses caïds qui essaient d'imposer leur loi au petit nouveau. Mais cette réalité est adoucie par les retrouvailles avec un père jusqu'ici absent qui tente de reconquérir sa place et leurs cœurs, à coup de parties de bowling et de matchs de baseball…

On va suivre Mason et tout son petit monde jusqu'à ce que le gamin devienne un jeune homme de dix-neuf ans et on est emporté par la sincérité, par l'empathie, par l'authenticité qui se dégagent de ce récit au long cours. Cette impression saisissante de vérité n'existerait pas sans l'investissement et le talent des acteurs complices de Linklater : Ethan Hawke, parfait en père immature au début du film, que l'on voit évoluer et s'assagir pour gagner la confiance de ses enfants ; Patricia Arquette, géniale en mère courage qui reprend ses études pour l'avenir de ses bambins, qui a accepté qu'on la voie changer, qu'on voie sa silhouette s'épaissir… Mais on est surtout épaté par la justesse des enfants qui deviennent adultes : Lorelei Linklater, la propre fille du réalisateur qui incarne Samantha, la sœur de Mason, et bien sûr Ellar Coltrane dont la métamorphose renverra tous les parents à leurs enfants qui « grandissent trop vite ».

Et ce qui est formidable, c'est qu'au fil de sa vision, Boyhood s'impose comme un antidote à l'angoisse face au temps qui passe : à suivre cette famille magnifiquement ordinaire, on se dit que quelques soient les épreuves, elles ne font que nous permettre d'avancer vers une certaine sérénité.