L’École du bout du monde

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Un jeune instituteur du Bhoutan est envoyé dans la partie la plus reculée du pays. Loin de la ville, le quotidien est rude, mais la force spirituelle des habitants du village transformera son destin.

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À voir la qualité des images, leur beauté époustouflante, on n’imagine pas les difficultés d’un tournage à 3400 mètres d’altitude. Les prises de vue se sont déroulées en grande partie à huit heures de marche de la première bourgade électrifiée et accessible en transports, dans un lieu si isolé et protégé par son écrin de montagnes que seule l’énergie solaire permettait de recharger les batteries des caméras !
Le village de Lunana, avec ses cinquante âmes, serait un endroit paradisiaque, au pied des glaciers de l’Himalaya, sans les dix mois de neige qui le coupent du reste de la civilisation. Évasion garantie, mais pas celle dont rêvait Ugyen, le jeune protagoniste de l’histoire, qui se serait volontiers expatrié dans la patrie des kangourous, une destination chaude comme la braise, avec tout ce qu’il faut de musique électronique et de soirées dansantes. Aucune logique ne peut rivaliser avec la capacité de l’être humain de s’auto-persuader que l’herbe est plus verte ailleurs, même quand on vit au pays du Bonheur National Brut ! Et c’est cela qui lui fera commettre une erreur : celle d’avouer à son employeur qu’il ne se sent pas à sa place en tant que simple instituteur, qu’il se verrait mieux dans la peau d’un chanteur à la mode et qu’il s’apprête à tout plaquer. Tout ce que Ugyen va y gagner, c’est d’être muté dans la partie la plus reculée du territoire, là où il n’aura pas le loisir d’échapper à son devoir envers la société bhoutanaise, à laquelle il doit encore une année de service. Lui qui n’attendait qu’un papier pour pouvoir s’enfuir en catimini avec sa fiancée vers l’Australie ! C’est carrément une double peine : en plus de devoir différer ses rêves, le voilà condamné à vivre loin de ses attaches citadines et de tout confort moderne.
Autant dire que c’est un garçon renfrogné que Michen, spécialement descendu du village pour l’aider, accueille à la descente du bus. Ugyen établit d’emblée une relation distante et plutôt impolie, envoyant des textos à tout va durant le maigre repas dans une auberge proprette, sous le regard indulgent de son hôte. C’est la rencontre de deux mondes que la technologie oppose. Entre celui qui ne voit plus que par le prisme des écrans et celui qui vit l’instant présent avec une acuité toujours renouvelée. L’accablement d’Ugyen est à son comble quand, après avoir gravi d’interminables pentes, il découvre qu’il n’y a aucun réseau à Lunana. Inconcevable ! Être condamné à n’écouter que le chant des oiseaux ? N’avoir pour toute distraction que celles qu’offre la nature ? Quoi ! Une salle d’école à ce point rudimentaire, sans même un tableau ? Quoi ! Un appartement de fonction sans même de vraies toilettes ?
Refusant de s’accorder le moindre temps de réflexion, le bougre demande à être immédiatement reconduit au bus. Et il en aurait été ainsi sans le long trajet à effectuer en sens inverse, qu’on ne peut entreprendre sans plusieurs jours de préparation. Quitte à être là, lui suggère-t-on, au moins qu’il fasse pendant quelques heures la classe aux élèves auxquels il s’apprête à faire faux bond…
Le premier jour débutera en catastrophe, sous le regard amusé de la déléguée de classe venue le réveiller, incapable qu’il est de le faire sans sonnerie électronique. Pen Zam, du haut de ses neuf ans, est absolument craquante avec son regard pétillant, son air mutin. Et Ugyen découvrira vite qu’il n’a jamais rencontré une telle soif d’apprendre, une telle écoute, une telle reconnaissance. Une classe atypique et bougrement attachante, à laquelle viendra bientôt s’ajouter… un yak !