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Filmé en un seul plan-séquence d'environ 75 minutes, Ana Arabia est un moment de la vie d'une petite communauté de réprouvés, juifs et arabes, qui cohabitent dans une enclave oubliée à la "frontière" entre Jaffa et Bat Yam, en Israël. Un jour, Yael, une jeune journaliste, leur rend visite. Dans leurs abris délabrés, dans un verger rempli de citronniers et entouré de HLM, elle découvre une galerie de personnages aussi éloignés que possible des clichés habituels sur la région. Yael croit avoir découvert une mine d'or. Elle en oublie son travail. Les visages et les mots de Youssef et Miriam, Sarah et Walid, de leurs voisins et amis, lui parlent également de sa propre vie, de ses rêves, ses espoirs, ses histoires d'amour, ses désirs et désillusions. Leur rapport au temps est différent de celui de la ville qui les entoure. Dans ce lieu bricolé et fragile, la coexistence est possible. Une métaphore universelle.
"Ana Arabia" ("Moi l'Arabe") s'appuie sur l'histoire vraie d'une rescapée de la Shoah, convertie à l'islam et mariée à un Arabe de Oum El-Fahem (Israël). Cette femme a caché pendant plus de 50 ans à sa famille musulmane sa naissance dans le camp de concentration d'Auschwitz. Une histoire inspirée au réalisateur notamment par une dépêche de l'AFP.
Amos Gitaï filme en continu Yael (Yuval Scharf), une jeune journaliste issue de la bourgeoisie israélienne qui vient enquêter sur l'histoire bouleversante de l'Israélienne Hannah Klibanov devenue Siam Hassan et décédée depuis peu (la vraie protagoniste, Leïla Jabbarine, est toujours vivante) dans l'enclave où elle a vécu, à la frontière entre Jaffa et Bat Yam, en Israël.
En arrivant dans l'ensemble d'habitations modestes reliées les unes aux autres par de petits passages, elle découvre le quotidien, les échecs, les peines, joies et amours de Juifs et d'Arabes qui vivent ensemble en paix depuis longtemps.
Evoquant le tournage, Amos Gitai parle d'un "endroit fabuleux, un moment magique avec les comédiens israéliens et palestiniens". Le plateau "était une sorte de microcosme de cette utopie de coexistence", raconte le cinéaste, de passage à Paris pour la sortie en France du film. "Ana Arabia" est déjà sorti en Israël et en Italie.
Un film intimiste d'autant plus nécessaire en pleine offensive israélienne sur Gaza?
"Il ne faut pas arrêter de parler de paix (...) Il faut dessiner les rapports de coexistence même au milieu de ce cauchemar de violence", répond Amos Gitaï, 60 ans, auteur d'une vaste filmographie dans laquelle figure notamment "Kippour" (2000), "Free Zone" avec Natalie Portman (2005) ou "Désengagement" avec Juliette Binoche (2007).
"On a des moments tristes, même très tristes au Moyen-Orient. Il faut que nous, les cinéastes et écrivains, on ne tombe pas dans le même piège, qu'on n'accélère pas les images des atrocités, parce que je suis sûr qu'un jour, on va avoir la paix."
"On fait une interview à Paris, où les gens viennent de célébrer les 100 ans de la Première Guerre mondiale", relève-t-il. "L'Europe, avec toute sa grande culture, a quand même réussi à saccager le continent, à tuer des millions de gens il n'y a pas très longtemps pour arriver à la simple conclusion qu'on peut ne pas être d'accord mais qu'il ne faut pas tuer. J'espère que le Moyen-Orient va arriver à cela".