Depuis sa programmation en l’an 2000, In the mood for love a laissé dans notre mémoire cinéphile une marque précieuse, comme l’empreinte d’une émotion unique, la trace secrète de quelque chose qui nous habite en dépit du temps qui passe, avec discrétion, grâce et sensualité. Ce sera une scène, une image, un air de valse ou des volutes de fumée, un motif sur une robe, la lumière bleutée d’un néon… Car chaque plan offre le détail qui déclenche la magie, chaque scène contient à elle seule tout ce qui fait l’essence du film : le désir.
Les mots sonneront forcément un peu faux, un peu figés, un peu convenus pour vous décrire ici ce qu’est In the mood for love tant ce film est un objet sensitif, une œuvre tout en mouvement, en odeurs, en parfums, en frôlements…
C’est sans doute pour cela qu’il dépasse de loin le cliché esthétique du très soigné, du très beau : la photo est au service de l’histoire, elle n’est jamais figée car elle vibre avec les personnages, elle n’est jamais gratuite car chaque détail, chaque objet, chaque rayon de lumière trouve sa place, son sens dans le récit.
Alors, la distance un peu froide qui habite souvent les œuvres d’une telle virtuosité est abolie, on entre dans l’intrigue comme on tombe amoureux, les sens en émoi, le cœur vibrant et l’esprit qui voudrait tout retenir, de l’accessoire à l’essentiel, afin d’inscrire profondément l’instant présent dans la mémoire…
L’histoire est universelle, pourtant elle est tout entière imprégnée d’une ville et d’une époque, le Hong Kong des années 1960… Tout est ici discrétion, conventions morales, soumission aux normes. Et le trouble prend sa source justement dans la force de la retenue, dans cette attirance obsédante qui jamais n’osera franchir le pas, dans ce désir absolu jamais fané car jamais assouvi, dans l’irrépressible soif d’idéal. In the mood for loveest un film sur la complexe, la douloureuse, la splendide naissance du lien amoureux.
Racontons simplement comment tout commence…
Chow Mo-wan (Tony Leung) et Su Li-zhen (Maggie Cheung) emménagent le même jour, dans le même immeuble. Leurs conjoints respectifs sont absents, de plus en plus souvent, souvent en même temps… Le soir, ils se retrouvent tous les deux seuls, ils se croisent discrètement dans les couloirs exigus, se frôlent dans les ruelles de la ville… Puis ils commencent à se voir, à partager leur abandon, leurs doutes, leur silence pour finalement réaliser que leurs époux respectifs ont une liaison.
Le choc va les envahir d’une même émotion, le désarroi va les rapprocher et ensemble, blessés, entre trouble et pudeur, ils vont tenter de comprendre… Alors la naissance de l’amour va venir les troubler.