Agatha Christie est née en 1890, et l'âge d'or des adaptations cinématographiques de ses romans remonte à loin (70 ou 80 ans).
Son Meurtre de l’Orient-Express sorti en 2017 était une nouvelle version, certes bien troussée, mais sans grande originalité. Cinq ans plus tard, le cinéaste se permet enfin une personnalisation et une modernisation de Mort sur le Nil, classique de la romancière anglaise déjà porté au grand écran en 1978.
Le Hercule Poirot de Kenneth Branagh a fait les tranchées, a été blessé au combat, a souffert – et souffre encore – d’avoir perdu l’amour de sa vie. L’homme a souvent la larme à l’œil, en un mot, il est empathique et donc moderne. Cela ne l’empêche pas d’être un tantinet maniaque – voire d'être atteint d'un trouble obsessionnel compulsif –, d’observer tout ce qui se passe autour de lui et de déduire avec la facilité et la rapidité d’un ordinateur ou d’un Columbo le coupable des meurtres.
Ici, nous assistons à une sombre histoire de vengeance, celle de Jacqueline de Bellefort (Emma Mackey, à voir absolument dans l’excellente série Sex Education), la fiancée cavalièrement "dompée" par Simon Doyle (Armie Hammer, emberlificoté depuis le tournage dans une nébuleuse histoire de violences sexuelles) pour Linnet Ridgeway (Gal Gadot), une riche héritière, meilleure amie de Jacqueline.
Simon et Linnet choisissent de passer leur lune de miel en croisière sur le Nil – les décors, même faux, font rêver... surtout sur grand écran en plein mois de février – et de convier leurs amis (incarnés par Sophie Okonedo, Letitia Wright, Annette Bening ou Russell Brand pour ne citer qu’eux) à ces réjouissances. Mais voilà, Jacqueline effectue des apparitions dérangeantes, effrayant les nouveaux mariés et cette tension atteint son paroxysme lorsque Linnet est retrouvée morte après une escale dans les ruines des temples d’Abou Simbel.
Outre un dépoussiérage du personnage d’Hercule Poirot qu’il incarne avec beaucoup de savoir-faire, Kenneth Branagh ajoute une bonne dose de tension sexuelle – l’ironie avec la situation d’Armie Hammer se doit d’être soulignée –, ajoute de la diversité – avec les personnages afro-américains –, et en profite même – formation classique oblige – pour insérer quelques moments très shakespeariens.
Certes, les puristes fronceront le nez. Les autres? Ils voyageront et bronzeront virtuellement devant le grand écran et se réjouiront de la réouverture des salles de cinéma.