Fanny et Alexandre fut d’abord un roman, écrit par un Bergman revenu en son île et devenant de plus en plus écrivain. Il décide de l’adapter pour ce qui sera son dernier long métrage au cinéma : « Je ne ferai plus de long métrage. Je ne me suis jamais autant amusé, et je n’ai jamais autant travaillé. Fanny et Alexandre représente la somme totale de ma vie en tant que réalisateur. » . Belle conclusion d’une œuvre dont la force et la conviction dépassent l’entendement, Fanny et Alexandre, saga familiale nordique, fut un triomphe mondial (et justifié) : il remporta une vingtaine de prix, dont en France le César du meilleur film étranger en 1984, ainsi que quatre Oscars sur les six nominations obtenues, dont celui du meilleur film étranger et de la meilleure photographie, due au fidèle Sven Nykvist, inséparable du grand geste bergmanien. C’est sans doute l’œuvre qui combine le mieux la mélancolie légendaire de l’auteur et une intensité émotionnelle extrême. Le film le plus chaleureux et le plus autobiographique de l’illustre cinéaste : « Vues couleurs projetées sur un drap dans la chambre des enfants, écrit Peter Cowie. Enterrements auxquels le jeune Ingmar était obligé d’assister, ou statue qui lui fait signe dans le salon désert et silencieux. » Bergman semble s’être réconcilié avec son enfance, comme en témoigne la belle sérénité dans laquelle baigne le film. Les thèmes qui ont jalonné toute son œuvre restent prégnants : la mort, le rapport conflictuel au père, l’art, le couple, Dieu…
Film-somme, parcouru d’une joie immense, Fanny et Alexandre vibre de sensualité et foisonne de références. Bergman convoque ainsi le peintre Carl Larsson, August Strindberg (Le Songe), William Shakespeare (Hamlet), mais aussi le théâtre et la littérature scandinave (Henrik Ibsen, Selma Lagerlöf). Il use également de l’imaginaire enfantin et d’un soupçon de paranormal (magie, fantômes et forces occultes), donnant à son œuvre l’aspect d’un conte fantastique. Lorsqu’il présente son projet de film à la presse en 1980, Bergman le définit comme : « Une immense tapisserie remplie de masses de couleurs et de gens, de maisons et de forêts, de cachettes mystérieuses dans des grottes ou des cavernes, de secrets et de nuits sous les étoiles ».