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Albertine Sarrazin… drôle de destin que celui de cette fillette déposée tout bébé à l'assistance publique d'Alger le 17 septembre 1937 par des mains anonymes. Née de parents inconnus, mignonne à croquer, adoptée par un colonel à la retraite et sa femme infirmière volontaire pendant la guerre, qui s'installent à Aix en Provence dix ans plus tard. Elle se révèle une élève douée à Sainte-Catherine de Sienne, commence à écrire dans des petits cahiers à spirale. Brillante mais turbulente, violée par son tonton, incomprise par ses parents adoptifs, qui finissent par placer l'insoumise en maison de correction à Marseille sur les conseils d'un psychiatre persuadé des bienfaits de l'éloignement familial. Elle devient fugueuse, vagabonde, se prostitue, et finit par atterrir en prison pour avoir tenté un hold-up avec une copine qui blesse une vendeuse à l'épaule avec un petit pistolet fauché peu de temps avant. Impertinente, à son procès elle se défend seule (ses parents ont refusé de lui payer un avocat), elle nargue ses juges : « quand j'aurais des remords, je vous préviendrai ». Elle écope de huit ans de prison, plus que sa copine. Elle s'évadera à dix-neuf ans, en se cassant un petit os du pied, l'astragale. Récupérée, cachée par un petit casseur qui passait par là, Julien, elle se requinque et se prend d'amour pour lui… un amour qui durera jusqu'à ce qu'elle meure, dix ans plus tard, à la suite d'une opération qui tournera mal pour cause d'organisme fragilisé par une vie de galère et quelques approximations médicales (qui valurent condamnation au chirurgien et à l'anesthésiste), alors même qu'elle parvenait enfin à avoir une vie paisible avec son amoureux, devenus tous deux, à force de travail, elle une écrivain célèbre et lui un géologue doué.
Prostitution, petits vols, elle aura passé au total huit ans en prison où elle réussira son bac avec mention et sera la première femme à écrire sur sa vie de taularde, de prostituée, d'amoureuse. L'Astragale, Albertine l'écrivit à la prison d'Alès, condamnée à quatre mois pour avoir piqué une bouteille de whisky au Prisunic, et ce « petit roman d'amour pour Julien », publié en 1966… fera un tabac, et marquera toute une génération par son originalité, sa vivacité, son côté subversif, sexuel et atypique, écrit sur un mode rageur, dans une langue argotique et poétique… Réédité encore récemment, « il reste un bouquin idéal pour donner aux adolescents le goût de la lecture » écrit le critique du Point. Même si on peut préférer son autre roman, son chef d'œuvre : La Cavale.
Le film commence cette nuit d'avril 1957 où Albertine se casse ce petit os en sautant du mur d'enceinte de la prison et se traîne jusqu'à la route. Il fait nuit et Julien, qui passe par là par hasard, malgré les risques que cela représente pour lui-même, l'embarque dans sa voiture et la planque chez une copine à Paris pour qu'elle se fonde dans l'anonymat de la capitale. Elle réapprend à marcher. Mais Julien a une vie compliquée, faite de petits casses, de combines diverses, partagé entre une relation ancienne et ce sentiment pour Albertine qui prend de plus en plus de place. Quand il se fait arrêter à son tour, elle se prostitue pour survivre, se déplaçant de planque en planque, de plus en plus amoureuse de son Julien qu'elle ne peut pas approcher. Même déguisée en blonde, même avec de faux papiers, elle est sans cesse sur ses gardes, prête à tout pour préserver sa fragile liberté…