Le petit soldat
Michael Moore n'a sans aucun doute pas vu le film de Cyril Dion et Mélanie Laurent mais on pourrait dire qu'il a réalisé son « Tomorrow » à lui, rigolard et volontiers roublard, mâtiné d'une variation sur le thème de « Ailleurs l'herbe est plus verte ». Et on sait bien que pour le trublion réalisateur de Bowling for Columbine et Farenheit 9/11, le modèle américain a cessé depuis longtemps d'être exemplaire – s'il l'a jamais été.
Il a certes un peu vieilli, le bouillonnant Michael, il est sans doute moins teigneux, moins pitbull mais, casquette de base-ball toujours vissée sur le crâne, veste kaki US Army sur le dos et détermination à toute épreuve, il repart pour une nouvelle aventure avec sa légendaire bonhomie, son humour insubmersible et cette naïveté toujours intacte – qui peut énerver mais qui fait partie de son charme – de vouloir changer le monde, ou plus exactement, son monde : celui de la société américaine qui est de plus en plus malade depuis Roger et moi.
Alors on peut critiquer la forme et un procédé de mise en scène déjà utilisé dans ses précédents films, mais sur le fond, Michael Moore est d’une redoutable constance : Where to invade next est une nouvelle charge féroce et sans concession contre le système américain, système dont il est un pur produit mais qu’il s’obstine, depuis bientôt trente ans, à vouloir bousculer par ses films d'agitation directe.
Il part d’une idée typiquement à la Michael Moore, volontairement et basiquement provocatrice : en tant que vaillant petit soldat américain, je m’en vais envahir diverses contrées du vaste monde comme nos chefs politiques et militaires aiment tant le faire – on ne va pas vous faire une liste, elle serait trop longue – mais cette fois ce ne sera pas pour leur imposer de gré ou de force la lex americana mais pour aller piquer aux autochtones des pays visités toutes les chouettes idées qui fonctionnent chez eux avant d'essayer de les ramener chez moi. Le voilà donc parti en campagne, de l’Italie à la France, de la Suède à l’Islande, de la Slovénie à l'Allemagne en passant par la Tunisie pour voir un peu comment font les gens. Comment ils font dans les prisons, dans les universités, dans les usines, comment ils font dans les écoles, dans les cantines, comment ils font avec la violence, avec la drogue, avec la démocratie, avec la parité, avec l’enseignement…
Dans sa besace, notre placide envahisseur, toujours absolument ébloui de ses trouvailles, ramènera des idées et des concepts souvent simples, d’une généreuse humanité et d’un bon sens parfois déconcertant (mention spéciale pour l'enseignement made in Finlande adepte du zéro devoir à la maison).
Alors oui, bien sûr, c'est un peu court, oui, c'est parfois un brin manipulateur, oui ça s'adresse avant tout au public américain qu'on imagine privé de la plupart des documentaires qui nourrissent la réflexion chez nous, mais ne boudons pas notre plaisir : voilà un film joyeux, généreux et qui fait du bien !