B.G
Le 25-08-2013
B.G, le 25-08-2013
Les moralistes et les amateurs d'explications définitives resteront sur leur faim : Jeune et jolie n'est en rien un film à thèse sur le destin des jeunes étudiantes obligées de se livrer à la prostitution occasionnelle pour financer leurs études, ni sur les dangers des réseaux plus ou moins mafieux d'exploitation sexuelle des femmes. La jeune et jolie Isabelle, qui s'apprête à rentrer à l'université, n'a aucun problème d'argent, sa famille vit et la fait vivre très confortablement, et pourtant elle va s'adonner à la pratique de la prestation sexuelle tarifée. Avant d'être une quelconque tentative de réflexion sur ces « sujets de société », Jeune et jolie est le portrait sensible et acéré d'une adolescente assez fascinante, incarnée par la splendide et mystérieuse Marine Vacth, en proie à la découverte, aux doutes, aux vertiges de la transgression et à l'envie de voir jusqu'où on peut aller autant dans sa tête qu'avec son corps. Un portrait au rythme des saisons et des chansons, depuis l'été où Isabelle perd sa virginité lors d'une étreinte laborieuse et facilement oubliable sur la plage des vacances (« c'est fait ») jusqu'à la fin de l'année scolaire suivante. Un portrait scandé par quatre chansons doucement mélancoliques de Françoise Hardy, qui offrent un contraste ironique à la dureté de l'état d'esprit d'Isabelle et de certains événements qu'elle choisit de vivre.
Ozon décrit sans provocation ni tentative d'explication lourdingue comment, par attrait du danger et par le hasard de la vie, l'adolescente sans problème se livre à la prostitution, en pleine connaissance de cause. Non par quête effrénée du plaisir, mais par attirance pour l'inconnu et fascination pour ce rituel lié à la rencontre avec les clients. Ozon met remarquablement en scène, au son de la voix off de l'héroïne, ce mystère qui entoure l'avant : la discussion et la tractation sur internet, le trajet jusqu'à l'hôtel généralement luxueux, la tension avant de rentrer dans la chambre, sans savoir quelles seront les envies du client, les détails de son corps, son comportement courtois ou au contraire violent, tout cet inconnu qui, elle l'avoue, excite Isabelle. Et cette addiction qui la pousse à recommencer, l'argent s'accumulant dans le placard de sa chambrette, puisqu'elle n'en a pas besoin.
Puis vient le client de trop, celui avec qui elle noue une relation plus forte… Georges, un homme âgé qui fascine Isabelle et avec qui elle prend réellement du plaisir. C'est à cause de Georges que les proches d'Isabelle découvriront sa coupable activité : stupéfaction, incompréhension totale, méfiance. Sa propre mère commence à craindre que sa fille perverse ne jette son dévolu sur son nouveau compagnon, une amie de la famille craint aussi pour son mari… C'est l'occasion de quelques scènes ubuesques qui virent au tragi-comique, le film transgressant les genres et flirtant parfois avec la comédie grinçante, comme quand Isabelle a rendez-vous avec un psychanalyste (incarné avec beaucoup d'humour par le vrai psy Serge Hafez) et qu'elle demande à le payer avec le produit de ses passes…
Sans rien dévoiler de la fin du film – marquée par l'apparition lumineuse de Charlotte Rampling, qui incarne la femme de Georges –, elle n'apportera nullement la touche finale morale que certains attendraient peut être.