L'Escale

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À Athènes, le modeste appartement d'Amir, un immigré iranien, est devenu un lieu de transit pour des migrants qui, comme lui, ont fait le choix de quitter leur pays.
Mais la Grèce n'est qu'une escale, tous espèrent rejoindre d'autres pays occidentaux.
Ils se retrouvent donc coincés là, chez Amir, dans l'attente de papiers, de contacts et du passeur à qui ils confieront peut-être leur destin...

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Derrière les murs

« Dans chaque film il y a une pierre précieuse qu'il te faut trouver. » (conseil d'Abbas Kiarostami à Kaveh Bakhtiari). 

Ce n'est pas une seule pierre précieuse mais tout un gisement, une mine, que Kaveh Bakhtiari, jeune réalisateur suisse d'origine iranienne, trouvera lors de son année passée à Athènes à filmer un groupe de clandestins iraniens vivant dans un appartement minuscule. L'histoire commence par un de ces (mal)heureux hasards qui sont souvent à l'origine des plus grands films documentaires. Kaveh Bakhtiari est invité par un festival grec pour son court métrage La Valise, et il apprend qu'un de ses lointains cousins, dont il n'a plus de nouvelles depuis des années, vient d'être arrêté après avoir quitté l'Iran, traversé la Turquie, et rallié l'Ile de Samos sur un de ces bateaux qui font naufrage trop souvent. C'est à son arrivée sur cette île qu'il a été cueilli par les douaniers grecs. Et l'indécence de la situation saute au visage de Kaveh Bakhtiari. Lui, qui a eu la chance de rejoindre la Suisse à l'âge de neuf ans, se retrouve confortablement entouré de professionnels du cinéma pendant qu'un de ces cousins vient de vivre l'enfer avant de connaître la prison. Sa décision est prise : il attend son cousin à sa libération, et le suit jusqu'à un modeste appartement loué par un Iranien régularisé, Amir, où s'entassent plusieurs migrants iraniens et une arménienne. Et Kaveh Bakhtiari découvre un monde insoupçonné d'immense solidarité, d'espoirs souvent déçus, de dignité jamais abdiquée.

Les personnages qui vivent là sont très différents et on ne saura rien ou presque de leur passé : un réfugié rendu à moitié fou par la trop longue attente, qui s'est focalisé sur l'apprentissage des arts martiaux au point qu'on l'a surnommé Bruce Lee ; un homme plus âgé qui finit par se résoudre à repartir en Iran ; un tout jeune homme de dix-sept ans qui voudrait pouvoir rejoindre ses parents en Norvège mais qui est terrorisé à l'idée de passer clandestinement… Car bien sûr la peur est omniprésente et le réalisateur, qui colle à chaque personnage, la rend admirablement. Il y a la peur à chaque sortie de croiser une patrouille de police, la peur de la violence des mêmes policiers grecs qui n'ont pas hésité à attacher et bastonner un jeune adolescent gratuitement, la peur de l'échec à chaque tentative de passage. Tentatives qui peuvent être rocambolesques, grâce à des passeports grossièrement falsifiés (la séquence de coiffure et de maquillage pour ressembler à un jeune roumain aux yeux bleus est tout à fait hilarante), mais qui peuvent aussi s'avérer beaucoup plus dangereuses lorsqu'il s'agit de se glisser sous les camions prenant les ferry vers d'autres pays d'Europe.

Le film se suit comme un thriller avec ses bonnes nouvelles mais aussi ses moments de grande tension comme quand Bruce Lee et un autre migrant, désespérés, entament une grève de la faim devant le Haut Commissariat aux Réfugiés, après s'être cousu les lèvres… Les pierres précieuses dont on parlait plus haut, ce sont tous ces personnages qui nous donnent une incroyable leçon de dignité dans une Europe dont on peut se demander après ce film par quelle sinistre farce elle a pu obtenir le Prix Nobel de la Paix en 2012…