Sur l'affiche, "R" est annoncé comme LE nouveau film de référence en terme d'univers carcéral et forcément, il y a des scènes clés que l'on s'attend à retrouver (le savon qui glisse dans la douche et hop). Le début du long-métrage confirme immédiatement que l'on va plonger dans l'horreur et le glauque, pendant près d'une heure et demie : image étalonnée façon urine jaunâtre qui vient salir une prison filmée pas si clichée que ça, caméra à l'épaule (violence oblige) et plans étouffants sur le visage fermé de l'acteur Pilou Asbaeak (déjà vu dans la série "Borgen", ou encore dans "Hijacking", réalisé par le même Tobias Lindholm) ou sur les dents en miette d'un détenu (miam !).
Si le postulat de départ ressemble à celui d'"Un prophète" - un jeune homme vulnérable et gentil propulsé dans l'univers sans pitié d'une prison -, "R" n'en a ni le panache, ni le souffle épique. Le film reste sagement dans les rails d'une histoire déjà toute tracée et dont on peut aisément deviner les rouages : le héros, à son arrivée est soumis, puis parce qu'il est tout de même malin, va réussir à trouver un moyen d'aider au trafic des grosses brutes qui vont, du coup, le voir sous un autre angle et lui offrir une nouvelle piaule. Mais, comme dans tout bon film de tôlard qui se respecte, cette accalmie n'est que de courte durée et un autre caïd au nom connoté (l'Albanais, roulements de tambour) va compromettre ses ambitions. Seul le twist quasi-final et arrivant donc malheureusement un peu tard, permet au film de décoller dans le dernier quart d'heure, offrant un vrai parti pris, une continuité originale à la narration et une fin sans concession.
Car finalement R aurait pu se débarrasser de cette lourdeur scénaristique si les réalisateurs avaient pleinement assumé leur envie documentaire, sans chercher à justifier sans cesse la véracité de leurs propos. Il ne suffit pas de filmer à la Dardennes pour donner du poids à une image et pour dépasser la simple signification brute. Tobias Lindholm et son acolyte, frappés par un témoignage, souhaitaient filer un coup de neuf à la représentation balisée du mitard pour renverser certains clichés et mettre en lumière d'autres aspects méconnus ou en tous les cas, peu filmés (on pense à la séparation des danois et des musulmans en deux ailes distinctes par exemple, ou à ce joli et unique moment du film où la légèreté point le bout de son nez dans un improbable match de foot entre colibris) et ils y parviennent avec beaucoup de justesse. En effet, une fois le scénario mis de côté, le spectateur curieux pourra se concentrer sur le quotidien criant de réalisme des détenus et quelques instants de grâce, où la caméra se faufile à travers les barreaux de la prison pour contempler la vie qui suit son cours, à quelques mètres à peine du discret fracas que le monde ignore.