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Entre les murs
La cour de Babel… c’est, au cœur d’un collège parisien du Xe , une classe particulière où des adolescents venus de tous les bouts du monde apprennent le français sous la houlette d’une magicienne qui s’appelle Brigitte Cervoni, mais apprennent aussi à écouter toutes les cultures, à s’imprégner de cette curiosité gourmande qui génère de la compréhension et tout un tas de jolies choses comme le respect d’autrui et donc l’estime de soi…
Ils arrivent du Mali, de Pologne, de Tunisie, du Brésil, d’Irlande, du Chili, du Sri Lanka, de Chine… et de bien d’autres contrées encore. La classe qui les rassemble est une sorte de sas où ils se préparent à plonger dans la société française, guidés, initiés par cette prof qui a le chic pour provoquer la parole, l’échange, l’écoute : une bienveillante qui prend les choses par le bon bout, à commencer par la découverte des mille et une façons d’écrire et de se dire « bonjour ». Ils sont gais, ils sont drôles, ils sont beaux, vifs, ont vécu déjà plein de choses et apprennent aussi à surmonter la douleur du déracinement. Brigitte tend des perches, met en lien, écoute, relance, reçoit les proches des enfants. Ce qui se passe dans le cocon de cette petite communauté de toutes colorations culturelles est jubilatoire : on parle religion, politique, certitudes et doutes, on raconte ses origines… Julie Bertuccelli capte au vol des regards, des expressions : il est évident qu’elle aime ces visages et sa caméra transmet bien cette épatante empathie. Le film semble porté par une relation de confiance, une chouette humanité irradie de ce microcosme pétillant.
Cette cour de Babel ne défie pas le ciel, reste au ras de la terre, mais elle reconstruit ce que le courroux de Dieu a détruit : elle unit, elle rassemble, elle rend indulgent, travaille à la compréhension de l’autre, réinvente l’harmonie première, redonne un sens fort à l’éducation. Ici l’important n’est pas la note, la compétition, la « réussite » : l’important est de comprendre et apprendre pour arriver à se sentir bien avec soi et les autres, écouter le monde pour ne pas en avoir peur et y trouver sa place naturellement.
D’ailleurs qui sait si Dieu, maintenant qu’il est un peu vieux, n’a pas fini par se lasser de toutes ces méchantes histoires et ne voit pas poindre avec la plus grande sympathie cette toute petite, toute modeste histoire qui tente de s’écrire et sème pour longtemps des petits morceaux de tolérance et d’écoute… antidote nécessaire et heureux au racisme et à l’exclusion.