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Les petits soldats
23 août 1944, l’étau se resserre sur une Allemagne inéluctablement encerclée par l’avancée des troupes alliées. Depuis que Berlin a été quasiment anéantie sous les bombardements incessants des alliés, Hitler ne supporte pas l'idée que Paris – cette « putain » comme il la qualifie, alors qu'il l'a pourtant beaucoup admirée – soit encore debout. Après avoir survécu au complot du 20 Juillet 1944 fomenté par des officiers de la Wehrmacht, le Fürher a nommé l'un des rares officiers supérieurs en qui il ait encore confiance, le général von Choltitz, à la tête de la garnison de la capitale française. Avec mission de la défendre coûte que coûte ou alors de ne laisser à l'ennemi qu'un champ de ruines. Et en cette fin du mois d'août, c'est bien la destruction de Paris que von Choltitz doit mettre en œuvre. Sans délai. Les plus grands monuments de la capitale, ainsi que les principaux ponts sur la Seine, sont minés, prêts à exploser, promesse d'un épouvantable chaos… Et pourtant l'ordre de destruction de Hitler ne fut finalement pas exécuté… Depuis lors, on n’a cessé de s’interroger sur les raisons qui auraient pu pousser à la désobéissance cet officier nazi « exemplaire » qu'était Dietrich von Choltitz.
Le rôle joué par le consul général de Suède à Paris, Raoul Nordling, a fait l’objet de toutes les spéculations. On sait en effet qu’il a rencontré à plusieurs reprises von Choltitz en ces heures fatidiques. Est-ce lui qui a persuadé l’officier allemand de désobéir ? Et si oui, par quels moyens ? C’est à ces questions que Diplomatie se propose d'apporter une réponse en imaginant ce qui aurait pu se passer entre le général et le diplomate dans le huis-clos de la suite de l’hôtel Meurice, réquisitionné par von Choltitz pour y installer son état-major. Là, dans les échanges à fleurets mouchetés entre le civil et le militaire, entre un professionnel des mots et un spécialiste des armes, se joue une partie d’échecs diplomatico-psychologique dont nul ne connaît l'issue… Enfin on la connaît parfaitement mais la réussite du film est de réussir à installer un vrai suspense… grâce à l'imagination des auteurs, grâce à la fiction, dont la part est ici considérable, même si tout repose sur des faits historiques précis.
Diplomatie le film joue donc à fond la carte du face-à-face mis en place par Diplomatie la pièce de théâtre. C'est d'ailleurs son auteur lui-même, Cyril Gély, qui l'a adaptée pour l'écran avec le réalisateur allemand Volker Schlöndorff. Et si le dispositif fonctionne aussi bien, si le film capte notre intérêt d'un bout à l'autre, c'est évidemment grâce à la crédibilité et à la très bonne tenue de dialogues portés par un duo de comédiens exceptionnels. Dussolier et Arestrup ont d'abord joué ensemble le texte au théâtre, c'est peu de dire qu'ils habitent leurs personnages. Leur relation s'impose immédiatement et ne cesse d'évoluer au fil de cette nuit décisive, l'un et l'autre prenant le dessus à tour de rôle. C'est du travail de virtuoses et rien que pour eux, Diplomatie vaut incontestablement le coup d'œil.