Eau argentée -16

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En Syrie, les Youtubeurs filment et meurent tous les jours. Tandis que d'autres tuent et filment. À Paris, je ne peux que filmer le ciel et monter ces images youtube, guidé par cet amour indéfectible de la Syrie. De cette tension entre ma distance, mon pays et la révolution est née une rencontre. Une jeune cinéaste Kurde de Homs m'a « Tchaté » : « Si ta caméra était ici à Homs que filmerais-tu ? »
Le film est l'histoire de ce partage.
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  • Titre original : Ma'a al-Fidda (Silvered Water, Syria Self-portrait)
  • Fiche mise à jour le 05/01/2015
  • Classification : Interdit aux moins de 16 ans
  • Année de production : 2014
  • Réalisé par : Ossama Mohammed, Wiam Simav Bedirxan
  • Date de sortie : 17 décembre 2014
  • Date de reprise : non renseignée
  • Distributeur France : Potemkine Films
  • Distributeur international : non renseigné
  • Durée : 103 minutes
  • Origine(s) : Syrie France
  • Genre(s) : Guerre Documentaire
  • Pellicule : couleur
  • Format de projection : 1.77 - 16/9
  • Format son : 2.1
  • Visa d'exploitation : 141056
  • Indice Bdfci :
    66%

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SPÉCIAL CANNES

Il était normal que le Festival de Cannes s'intéressât à la tragédie syrienne plutôt qu’aux affres d’un DSK dont on n’a que trop parlé. La guerre civile syrienne, événement majeur de ce début du siècle, 3 ans de guerre dans la quasi-indifférence internationale, discrètement médiatisée, méritait que des cinéastes nous rapportent les atrocités de ce conflit. Evidemment pour les raisons que l’on comprend c’est au tout dernier moment que les organisateurs communiquèrent la présentation de ce film.

Réfugié en France loin de son pays, le réalisateur syrien Ossama Mohammed n’a presque plus que les vidéos amateur mises en ligne sur youtube pour rester en contact visuel avec sa terre natale. Des images d’une violence rare, en provenance des familles des victimes ou des bourreaux, reflet des horreurs commises sur place. Que faire de ces images ? Et surtout comment, en tant que cinéaste engagé et isolé, témoigner de la situation dans son pays ?

Pour Ossama Mohammed, la rencontre avec la jeune réalisatrice kurde Wiam Simav Bedirxan a été salutaire : puisqu’elle est sur place, ce sera elle, l’auteur des images filmées à Homs, ville détruite. Un dialogue filmé donne naissance à ce film en forme de correspondance entre deux êtres blessés et épris de vérité. Vingt-six ans après avoir présenté son premier long métrage (une fiction, "Etoiles de jour", en 1988) à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, Ossama Mohammed témoigne une fois encore de son amour indéfectible envers la Syrie à travers un documentaire en prise directe avec l’actualité. A l’heure où les derniers rebelles quittent le vieux centre de Homs, l’armée reprend le contrôle de la ville, autrefois surnommée la capitale de la révolution, où a été lancée l'insurrection armée contre le régime de Bachar Al-Assad. La co-réalisatrice du film Wiam Simav Bedirxan, quand à elle, fait partie de ceux qui sont contraints de quitter la ville.

 

Depuis le 9 mai 2011, le cinéaste syrien Ossama Mohammed (l'un des seuls un tant soit peu connus dans les festivals internationaux : il a présenté à Cannes Étoiles de jour en 1990 et Sacrifices en 2003) est exilé en France pour avoir critiqué le régime de Bachar el-Assad. À travers les vidéos postées sur les réseaux sociaux par les cinéastes amateurs, il suit pas à pas l'évolution de la révolution syrienne : des milliers d'heures qu'il ne cesse de voir et revoir, avec la culpabilité d'avoir quitté son pays au moment même où les Syriens s'emparent des images comme d’armes. Décidé à retracer leur histoire et la sienne, il compose peu à peu un film à partir de cette mosaïque d'images et de sons : les premières manifestations et les premiers martyrs, la naissance d'un bébé avec les moyens du bord, les chants traditionnels, un adolescent torturé, les appels désespérés des insurgés à l'armée, le témoignage de soldats déserteurs…

Jusqu' à ce Noël 2011 où un message parvient sur son ordinateur : celui d'une jeune Syrienne d'origine kurde appelée Simav (« eau argentée » en kurde) qui lui demande : « Qu'est-ce que tu filmerais si tu étais à ma place ? » Commence alors un échange extraordinaire : celui d'un exilé avec une révolutionnaire, celui d'un maître avec une élève…

Au commencement, il y a des mélodies – à peine des murmures –, des images filmées avec des portables, quasi informes avec leurs pixels qui débordent. Comme si tout était éclaté, indistinct, insensé. Processus progressif pour témoigner en direct de la tragédie de leur pays, pour éprouver une part d'humanité derrière des vidéos médiatisées jusqu'à la confusion, pour au final retrouver de la valeur et de l'unité, le documentaire d'Ossama Mommahed et Wiam Simav Bedirxan est à la fois terrible et beau : terrible en ce qu'il renvoie à la violence dans toute son absurdité ; beau en ce qu'il porte encore l'espoir d'un avenir meilleur, d'une liberté possible. Un espoir incarné par Simav, combattante poète et humaniste, avec qui le cinéaste noue un dialogue à travers des images, des textes et du son.

Ainsi confronté à lui-même et à sa propre pratique, à la question du rôle du cinéma, le réalisateur exilé restitue l'histoire d'une révolution confisquée, d'un pays que seule, semble-t-il, la beauté peut sauver de l'horreur. À l'image de cet enfant filmé par Simav, courant fleur et petit fusil en plastique à la main, pour éviter les balles d'un sniper, et s'émerveillant devant les coquelicots qui protègent la tombe de son père…