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Une pièce nue, une chaise. Autour, la pénombre. Le « no man’s land » du titre est un terrain neutre sur lequel Paulo de Figueiredo, mercenaire sexagénaire, accepte de raconter sa vie. Mais il désigne aussi une zone historique encore si récente, si peu documentée, que les révélations de l’homme semblent appeler l’empreinte formelle de la cinéaste – chapitres numérotés, cartons de texte. « L’odeur de sang me donnait des poussées d’adrénaline… » – il faut au moins ces annotations pour encaisser la violence de ce qui est dit et le soupçon de la possible jouissance que procure au mercenaire sa remémoration. Autant El Sicario de Gianfranco Rosi explorait via un tueur repenti les rouages d’un seul système (le narcotrafic mexicain), autant Figueiredo a servi des pouvoirs variés. Guerres coloniales portugaises, CIA au Salvador, commandos espagnols et français anti -ETA …
Les régimes politiques changent, mais la sous-traitance du pire ne connaît pas la crise. La fin à l’air libre de Terra de Ninguém apporte un codicille à ce que l’on y apprend : toute bureaucratie bien organisée se doit d’ôter son identité au bras armé qu’elle s’adjoint. In extremis, c’est le film lui-même qui atteste qu’une non-personne a bel et bien existé.