Un drôle de film, un objet de fascination pour tous les curieux de cinéma amoureux ou pas de l’art, un objet étrange dont on a dû mal à délimiter les contours tant son univers est singulier, flirtant avec la peinture, bien entendu, mais aussi avec d’autres expressions artistiques : le théâtre, le cinéma expérimental, l’art contemporain. Fascinant par son sujet : l’œuvre d’Edward Hopper dont la dernière exposition parisienne au Grand Palais fut un immense succès. Fascinant par sa forme : une suite de tableaux animés qui prennent vie sous nos yeux. Fascinant aussi par son incroyable ambition : nous donner à voir bien plus que des œuvres d’art en mouvement, une véritable histoire de fiction et à travers elle, tout un pan de l’histoire des Etats-Unis, qui passe par la voix sans visage énonçant les informations radiophoniques.
Risqué ? Audacieux et absolument réussi. Le résultat est bluffant : non seulement le spectateur plonge en chute libre dans l’univers si particulier du peintre, mais il poursuit dans cette vertigineuse chute les états d’âmes, les réflexions, les commentaires, les doutes et les interrogations de la très belle Shirley, personnage qui habite chacun des 13 tableaux choisis. Personnage des années 30, 40, 50 et début 60, Shirley est une femme américaine qui se cherche, entre émancipation et convenances sociales, entre son désir de s’accomplir en tant que femme et artiste engagée (elle est comédienne) et une certaine peur de s’éloigner un peu trop du cadre conventionnel dans laquelle elle a construit sa vie. Nous la suivons donc au gré des tableaux du maître reconstitués avec un réalisme époustouflant : décors, couleurs, lumières, ambiances, cadres et éclairage et cette sensation singulière de va et vient pourtant figé entre le dedans et le dehors, la vision des réalités de Shirley (invisible à nos yeux) croisent celles que le spectateurs a tout loisir de s’inventer. Une expérience d’art et de cinéma inoubliable.