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Le film historique aujourd’hui n’a plus la cote, et pourtant s’il est un genre auquel se prête le cinéma c’est bien celui-ci : complots, intrigues de cour, secrets d’alcôves, le tout se terminant le plus souvent par quelques décapitations ou autres barbaries du genre faisaient les beaux soirs de la télévision dans les années soixante et le cinéma n’était pas en reste non plus avec des fresques à grand spectacle. Il y a deux façons de faire des films historiques: avec un gros budget ou non. Thomas Imbach a opté pour la seconde option. Les amateurs de cavalcades échevelées peuvent passer leur chemin. Mary, Queen of Scots ne joue pas dans la cour de Spartacus (des légions de figurants) ou du Seigneur des anneaux (un million de guerriers générés par ordinateur), mais plutôt dans celle du récent Michael Kohlhaas: décors naturels, châteaux d’époque, garde-robe restreinte, chevaux rares… Le réalisateur alémanique s’est inspiré de Marie Stuart, de Stephan Zweig. Fameux pour son acuité psychologique, l’écrivain viennois se concentre sur le «volcan de la passion amoureuse» dans sa biographie. Le film recourt à une structure épistolaire: en voix off, Mary dit les mots qu’elle écrits à Elisabeth 1er, reine d’Angleterre, sa cousine, sa rivale, son ennemie mortelle.
Mary Stuart (1542-1587) grandit en France. À la mort de son mari, François de France, elle s’établit dans une Ecosse dévastée par la guerre. Elle épouse Lord Darnley, qu’elle fait assassiner, puis Lord Bothwell. Catholique parmi les protestants, rejetée par l’aristocratie et le peuple, elle demande de l’aide à sa cousine Elisabeth, qui la fait emprisonner et décapiter après dix-neuf ans de captivité.
Thomas Imbach a été séduit par cette figure historique, cette femme entourée d’hommes qui lui barrent l’accès au pouvoir. À vouloir combiner maternité et carrière, Mary (interprétée par Camille Rutherford) ressemble à beaucoup de femmes d’aujourd’hui. Le cinéaste apprécie aussi son esprit de tolérance – elle considère que la religion est une affaire strictement personnelle –, mais n’a pas voulu la montrer en martyre catholique. Naturellement, le contexte des guerres de religion fait écho à l’époque contemporaine. Enfin, il est fasciné par la rivalité entre Mary et Elisabeth, ces «deux lionnes combattant», qui ont été très proches sans jamais se rencontrer. Selon lui, Mary était une femme plus moderne qu’Elisabeth.
Il observe que le livre de Zweig est épuisé dans le monde anglo-saxon, où Mary Stuart, cette «dame française», est connotée négativement, alors que sur le Vieux Continent elle a été une icône du romantisme, inspirant Schiller, Walter Scott, Donizetti… L’ambiance du film est très particulière, si bien que très appréciée. Les costumes d’époque, en grandes pompes, font sans nul doute du bien au paysage cinématographique suisse. Et l’actrice principale, Camille Rutherford, magnifique, joue extrêmement bien, ce qui fait beaucoup dans le film puisqu’il s’intéresse beaucoup à la psychologie du personnage qu’elle incarne.