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Tu ne tueras point
Le très beau plan fixe et claustrophobe d'ouverture donne le ton : on y voit, allusion directe à la Cène du Christ, une dizaine d'enfants et d'adolescents réunis autour d'un jeune et beau prêtre volubile lors d'une catéchèse au cours de laquelle, question après question, la foi des jeunes croyants est éprouvée. Rien de très original pour ceux qui, comme votre serviteur, ont subi ces séances de bourrage de crâne intensif pratiquées sur les jeunes esprits par l'Eglise depuis de très longues années. Mais peu à peu la discussion glisse – voire dérape – sur la vie du fœtus dès la conception puis sur les musiques que l'on peut légitimement considérer comme impies… On comprend alors qu'il ne s'agit pas seulement d'un cours de catéchisme catholique mais que nous sommes au sein d'une fraternité intégriste comme il en existe depuis la scission dans les années 1970 de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, fondée par Monseigneur Lefebvre.On va suivre Maria, une jeune fille de quatorze ans au visage angélique qui vit une existence presque normale à ceci près que régie par des préceptes très stricts, dans une famille dominée par une mère autoritaire à l'extrême, qui interdit les musiques impies aussi bien que les contacts avec les garçons de son âge. Maria est obsédée par l'idée qu'elle pourrait, en se sacrifiant – jusqu'à quel point ? – venir en aide à son jeune frère, qui ne parle toujours pas à quatre ans.Partagée entre ses aspirations de jeune fille (elle est troublée par un garçon de son lycée, apparemment amoureux d'elle, qui l'invite dans sa chorale qui chante du gospel !) et l'obsession du péché nourrie par le souhait de ne pas décevoir son intransigeante mère, Maria nous paraît peu à peu s'enfoncer dans un engrenage mortifère qui l'emmène inexorablement à la négation d'elle-même…La mise en scène est impressionnante de rigueur et de grandeur austère (on pense forcément aux autrichiens Michael Haneke et Ulrich Seidl) : elle est composée de quatorze plans fixes, comme autant de tableaux magnifiquement composés, qui correspondent aux quatorze stations du chemin de croix, avec trois seuls mouvements de caméra à des moments clés qu'on vous laisse découvrir. On ressent ainsi parfaitement l'impasse terrible dans laquelle s'enfonce la jeune fille. Et face à un tel gâchis, on est saisi autant par la beauté sombre du film que par une sainte colère devant l'obscurantisme qui détruit une vie en devenir…