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Le"capital humain" ou la violence des riches
Le "capital humain" titre du dernier chapitre de ce film sous forme de kaléidoscope en trois parties parle d’un fait divers au demeurant banal : une veille de Noël en Lombardie, aux abords du lac de Côme, dans cette région au pied des Alpes aussi belle que glaçante, où la splendeur des paysages se conjugue avec la noirceur de ce qui s’y trame, un malheureux serveur est renversé par un gros 4x4 noir qui prend la fuite. Se dessine tout de suite, derrière la tragédie, le jeu cynique des classes sociales qui s’opposent : un modeste du serveur face à une famille extrêmement riche de la nouvelle bourgeoisie financière italienne, dont la fortune gigantesque tient à quelques algorithmes ou investissements à risque…
Le film nous ramène quelques mois avant l’accident et nous fait découvrir le déroulement des faits selon le point de vue des différents protagonistes. D’un côté il y a les Bernaschi, barons de la finance, à qui tout semble réussir, dont la vie s’écoule dans le faste d’une de ces villas Renaissance qui surplombent le lac de Côme. Un bonheur que rien ne semble effriter même si Madame Benaschi (Valeria Bruni Tedeschi, parfaite) semble absente et dépressive. De l’autre Dino Ossola, petit agent immobilier dont les rêves de grandeur semblent pouvoir se concrétiser depuis que sa fille fréquente le fils Bernaschi, permettant à Dino d’espérer pouvoir convaincre le père de le laisser investir avec lui toutes ses économies, voire de l’argent emprunté. Dans ce théâtre des vanités, tout est en place pour conduire au drame: des hommes obnubilés par le pouvoir et l’argent, des femmes réduites au rôle de figurantes, des adolescents acculés par les ambitions démesurées de leurs parents respectifs. Thriller offensif sur fond de capitalisme outrancier et de faillite morale , on suit tout cela avec la fébrilité qui sied aux meilleur polars, le responsable de l’accident n’étant révélé qu’à la dernière séquence, mais l’essentiel du film tient dans la vision dantesque de cette société gangrénée par l’argent, y compris au sein de la famille qui explose face aux intérêts et à l’appât irrépressible du gain.
Pour incarner ces pantins livrés aux flux financiers, les comédiens sont remarquables, tant Fabrizio Bentivoglio et Fabrizio Gifuni qui sont les deux pères de famille détruits par la cupidité, que Valeria Golino, seul personnage digne et intègre de l’intrigue, et Valeria Bruni Tedeschi, magnifique en bourgeoise désespérée qui s’accroche en vain à un projet théâtral pour donner un sens à sa vie aussi confortable que vide.