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Nick Cave à Utopia
Les statistiques viennent de tomber. 2,8% des spectateurs d'Utopia sont des fans de Nick Cave depuis la formation du groupe Bithday Party en 1980. Ils sont prêts. 8,4% des spectateurs d'Utopia connaissent et apprécient The Bad Seeds, le groupe qui a succédé à Birthday Party. Ils sont prêts. C'est le succès mondial de Where the wild roses grow, son duo avec Kylie Minogue, qui a fait connaître Nick Cave à 13,9% des spectateurs d'Utopia. Ils sont prêts. 6,2% des spectateurs d'Utopia ont remarqué que les excellentes BO des trois films de John Hillcoat qu'ils ont adorés – La Route, The Proposition et Des hommes sans loi – sont l'œuvre de Nick Cave. Ils ont également constaté qu'il était le scénariste des deux derniers. Ils sont prêts. Mais prêts à quoi ?… se demandent légèrement agacés les 68,7% restants.
Eh bien prêts à aller voir, dès le premier jour de sa sortie à Utopia, un des meilleurs documentaires jamais réalisés sur un chanteur ou un groupe de rock (en Angleterre, l'exercice est devenu un genre, le « rockumentary »). Grand bien leur fasse se disent les 68,7%, mais il n'y a pas là de quoi encombrer une page de gazette, ni même une page web. Voilà justement l'erreur à ne pas commettre. 20 000 jours sur Terre, le film de Iain Forsyth et Jane Pollard, bien plus que ce que pourrait être la vingt millième journée sur terre du musicien australien né le 22 Septembre 1957, est avant tout un film formidable sur l'art et l'acte de création. Comment écrire, comment ne pas faire trop long, comment se comporter en concert face au public, le modèle en la matière étant Nina Simone, Doctor Simone comme elle voulait qu'on l'appelle…
Le film s'organise autour de différentes rencontres. Nick chez un psychanalyste connu, Nick dégustant les pâtes aux anguilles que lui a préparées Warren Ellis, son complice des Bad Seeds, Nick au volant de sa voiture, sur les routes du sud de l'Angleterre, successivement accompagné de l'acteur britannique Ray Winstone, de son guitariste Blixa Bargeld, membre des Bad Seeds pendant vingt ans et enfin de Kilye Minogue, la chanteuse australienne. Et à chaque fois des échanges passionnants, faits de souvenirs, de réflexions. Rien d'une hagiographie. Rien d'une œuvre de commande pour faire vendre on ne sait quel produit. Juste LE documentaire que les amateurs de Nick Cave attendaient et que les autres vont découvrir en se demandant comment ils étaient passés à côté de ce monument. Et bien sûr des moments musicaux exceptionnels, des morceaux entiers pendant une séance d'enregistrement du dernier album ou en concerts. Inoubliable.
Dernier argument pour les hésitants, l'humour. Un seul exemple : Nick raconte qu'avant de rencontrer Susie, sa seconde épouse, les journées du junkie qu'il était à l'époque se déroulaient toujours de la même façon : il se rendait à l'église, allait acheter sa dose de drogue et rentrait chez lui. « C'est extrêmement dangereux » lui dit Susie en apprenant cette curieuse habitude, « il faut que tu arrêtes d'aller à l'église. » Alors, à bientôt pour retrouver ou faire la connaissance de Nick Cave et en prendre de la graine. De la mauvaise, cela va de soi.