Enfin ce qui se confirme dans la quatrième partie, Pessah (3h12) : la reconnaissance et le retour sont les nœuds essentiels d’une bien improbable paix. Et cela en une dialectique infernale où le fait de prononcer un mot pour l’Un pose aussitôt la même question pour l’Autre : retour des Juifs sur les terres dont ils ont été chassés il y a 2000 ans / retour des réfugiés de 1948 sur les terres qu’ils occupaient. Restant d’un côté de la légitimation, le film ne le fait pas, mais n’empêche pas le spectateur de le faire : son rythme doux laisse le temps de la réflexion. Au contraire, enrichi par cet approfondissement, il peut prendre le recul nécessaire et mesurer dans quelle complexité cette petite terre est l’enjeu d’un vivre ensemble bien difficile à définir dans les tensions du monde.
Sans se départir de son rêve de fraternité, Lledo prend lui aussi de la hauteur et pose ce qu’il convient d’appeler la « question juive » : s’agit-il avant tout d’un peuple ou d’une religion ? « Un peuple » répondent d’emblée ses interlocuteurs, comme le rabbin d’origine algérienne Ouri Cherki (dont le fils a été dramatiquement assassiné en 2015, enterrement qui fait partie des compléments de tournage). »Jésus a voulu transformer le judaïsme en religion », précise-t-il. Si la Torah agit comme lien pour garder la nostalgie de sa terre à travers le temps, c’est ce sentiment d’appartenance qui a soudé les Juifs dispersés. « La Bible est l’Histoire d’un peuple, à signification universelle », indique le professeur de philosophie juive Benjamin Gross, « une série d’échecs à dépasser ». Son projet humaniste créateur est utopique, la volonté divine dépendant de la volonté humaine.