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Vingt-cinq ans que le Mur de Berlin est tombé, et avec lui la RDA. Vingt-cinq ans c’est peu et pourtant ce moment historique paraît lointain, d’une autre époque, tant les événements mondiaux récents semblent l’avoir chassé de nos mémoires. Avec brio et maîtrise, Marten Persiel nous replonge au cœur de la République Démocratique Allemande, entre la fin des années 1970 jusqu’à 1989, en dressant le portrait de trois jeunes est-allemands. Ils ne sont plus que deux aujourd’hui, et ont décidé de se retrouver dans un lieu qui ressemble à une friche de Berlin pour honorer la mémoire de leur camarade mort en Afghanistan et se remémorer leur jeunesse. Grâce à des films super 8 personnels, des images de la télévision d’état et même de la Stasi, nous découvrons une jeunesse éprise de liberté, portée par une fougue qui n’a que faire du régime communiste et de sa doxa, voulant conquérir le monde et vivre ouvertement sa passion du skateboard. À travers ces archives, nous découvrons des passants perplexes, les yeux écarquillés devant les prouesses accomplies par ces ados sur Alexanderplatz à Berlin, et la Stasi qui filme dans un premier temps ces jeunes considérés comme dangereux pour le régime. Mais le phénomène skateboard prendra une ampleur inexorable et sera donc récupéré par le régime dans une publicité pour des skates made in RDA toute à sa gloire, puisque le sport était considéré comme une valeur éducative et un véhicule particulièrement efficace de la propagande d’état. Mais le cœur du film, c’est l’ami disparu, le fougueux et irrévérencieux Denis Paraceek, surnommé « Panik ». Celui par qui le scandale arrive, moteur de la bande grâce auquel tout devient possible : on le voit fabriquer sa première planche de skate avec du matériel de récupération, et entraîner ses amis dans des périples urbains défiant les autorités, tentant des figures acrobatiques dont il est persuadé d’avoir seul le secret… sans savoir que de l’autre côté du mur, à l’Ouest, la pratique du skateboard est largement répandue et est même devenue une activité professionnelle. Cette découverte sera une libération, entraînera l’envie de découvrir le monde (il participera avec ses amis au championnat du monde en Tchécoslovaquie) et ne fera que nourrir son aversion pour toute forme d’autorité – tant des institutions que de son père, entraîneur de natation du régime, bien décidé à faire de son rejeton un nageur exemplaire. Mais Panik s’engagera pourtant plus tard dans les forces armées ! Quid de ce choix ? Même si le film peut sembler mélancolique, un brin nostalgique (plus de l’enfance que d’une époque d’ailleurs), il est aussi la formidable radiographie d’une époque foisonnante, en pleine mutation, à travers le regard de la jeunesse des dernières années de la guerre froide.