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En 2007, Morgan Matthews avait choisi la voie du documentaire pour nous parler de ces petits génies des mathématiques, par ailleurs souvent incapables de communiquer avec les autres. Beautiful young minds était le titre de son film. Quelques années plus tard, s'inspirant de ce premier travail, il nous propose une fiction autour du personnage de Nathan, un jeune autiste d'une quinzaine d'années qui semble avoir perdu toute chance d'entretenir des rapports dignes de ce nom avec les autres, depuis le jour où son père qui l'accompagnait a été tué par un chauffard. Ce père en effet, nous le comprendrons au fil du récit, avait réussi, malgré tous les obstacles, à construire avec son fils une relation étroite faite de jeux, de rires et de complicité permanente. Quand on sait que sa mère, interprétée par l'excellente Sally Hawkins, ne pouvait même pas lui toucher la main, on comprend ce que cet accident a eu de tragique dans la vie de cet enfant.
Alors que Nathan a neuf ans, sa mère se rend compte que son fils a acquis tout seul un niveau en math qui la dépasse. Un prof totalement atypique, atteint de sclérose en plaques, accepte de donner au garçon des cours particuliers et prend immédiatement conscience des capacités de son nouvel élève. Il lui fixe pour objectif de gagner sa place au sein de l'équipe du Royaume Uni qui participera aux Olympiades Internationales de Mathématiques, compétition rassemblant des lycéens du monde entier. Mais l'essentiel consiste-t-il à participer à une telle compétition, voire même à la remporter, quand on est enfermé à l'intérieur de soi-même ? N'est-il pas plus important de prendre conscience qu'appartenir à un groupe est possible, qu'entretenir une relation privilégiée avec quelqu'un ne relève pas du rêve ? C'est lors d'un stage à Taipei en compagnie d'autres petits geeks de son genre que des frémissements vont apparaître dans le comportement de Nathan. L'adolescent a quinze ans et le déclic se produit quand une de ses condisciples lui dit : « Ici, tu es normal ».
Il y a parfois des petits miracles au cinéma. Contrairement au personnage principal de ce film qui croit pouvoir trouver la formule mathématique de l'amour, nous savons d'expérience que ce qui fera d'un film un mélo imbuvable ou une réussite tout en délicatesse ne relève pas des sciences exactes et ne s'apprend pas dans les écoles, fussent-elles de cinéma. En tout cas Le Monde de Nathan appartient incontestablement à la seconde catégorie. Pourquoi ? D'abord parce que le réalisateur ne sombre jamais dans la facilité, refusant tout recours aux violons appuyés ou aux scènes tire-larmes. Ensuite grâce à un casting remarquable au sein duquel le jeune Asa Butterfield – choisi par Martin Scorsese pour interpréter Hugo Cabret – est absolument parfait. Enfin tout simplement, et c'est heureux, parce deux et deux ne font pas toujours quatre.