Adaptation cinématographique à la fois tant attendu et redouté par les fans du manga de Yukito Kishiro, « Gunnm », Alita : Battle Angel arrive enfin sur nos écrans, après une longue gestation. Projet de longue date initié par James Cameron, le réalisateur a préféré confié la réalisation de cette adaptation au cinéaste Robert Rodriguez, réalisateur ayant déjà opéré dans l’adaptation comic book avec le respecté Sin City (2005). Son emploi du temps étant trop occupé avec les suites d’Avatar (2009), James Cameron opère néanmoins à l’écriture et à la production, supervisant de très près cette adaptation dont il rêve depuis des années, reléguant au passage Robert Rodriguez au rang de bon faiseur plutôt qu’auteur, tant le tout semble avoir été chapeauté par le scénariste/producteur. Avec un budget de 200 millions de dollars, Robert Rodriguez signe ici son film le plus ambitieux et le plus cher de sa filmographie et le moins que l’on puisse dire, c’est que cela se sent à l’écran.
Car oui, mettons tout de suite les choses au claire : visuellement, Alita : Battle Angel est à des années lumières de ce qui se fait dans le paysage du blockbuster Hollywoodien actuel. Mélange entre incrustations et décors réels, acteurs en motion capture mélangés avec des acteurs réels dans des décors réels, un visuel photoréaliste … Une véritable prouesse technique, tant dans l’animation du visage d’Alita (Rosa Salazar, grande révélation) à travers lequel tout une palette d’émotions est magistralement retranscrit par la motion capture, que dans la direction artistique somptueuse, foisonnant de détails, dressant un univers post-apocalyptique cohérent et crédible. Robert Rodriguez et James Cameron régurgitent tout un pan de la culture SF Cyberpunk et de la pop-culture en général, de Ghost in the Shell (Mamoru Oshii, 1995) à Blade Runner (Ridley Scott, 1982), en passant par Rollerball (Norman Jewison, 1975) dans les scènes de Motorball, sport propre à l’univers du manga, donnant lieu à une des meilleures scènes du film, Alita : Battle Angel possédant son lot de scènes d’anthologies et de plans qui marquent la rétine, tout droit sortie des cases du manga. Le film de Robert Rodriguez n’est pas sans rappeler la claque visuelle que fut le Ready Player One de Steven Spielberg en 2018, à la différence que le film de Spielberg possédait une intelligence dans l’écriture propre au génie du cinéaste.
Car si Alita : Battle Angel est une claque visuelle, c’est bien dans son scénario que le film pêche par moment. Outre le fait que le film semble recycler tout un pan de la culture SF cyberpunk, cela lui confère un certain manque d’originalité vis-à-vis des nombreuses œuvres qui le précèdent et des thématiques phares du genre (questionnement de l’âme à l’intérieur de la machine, construction de l’identité du cyborg, etc.). À l’image de toutes les héroïnes du cinéma de James Cameron, Alita est un personnage féminin fort et badass comme on les aime dans la filmographie du cinéaste, au récit initiatique certes touchant et attachant, mais déjà vu un milliard de fois dans le genre. Après une première demi-heure d’introduction, un peu lente, de l’univers et des personnages, le film empile les clichés du récit initiatique sur la construction de l’identité de la machine, ne nous épargnant pas au passage une romance digne des teenage-movies actuels, où James Cameron semble recycler la romance Jack/Rose de son Titanic (1997), à travers une écriture que l’on a connue bien plus subtile dans la filmographie de Cameron, notamment lorsque l’on parle du cinéaste de Terminator 2 (1991). Si la romance teenage est à la limite du supportable, reste tout de même des personnages forts et attachants dans l’écriture qui n’est pas non plus honteuse, loin de là, notamment la relation père/fille entre Alita et son père de substitution, le Dr Dyson (Christoph Waltz qui fait le job). Le long-métrage étonne aussi par rapport à la production hollywoodienne actuelle vis-à-vis de son public et de sa violence. « Gunnm » étant réputé pour sa violence graphique, on retrouve dans cette adaptation une brutalité dans les démembrements des corps-machines, une violence graphique digne des séries B/Z qui influencent la patte visuelle de Robert Rodriguez.
Malgré un léger manque d’originalité dans sa manière de régurgiter tout un pan de la culture SF cyberpunk et quelques défauts dans l’écriture de James Cameron, propre à son cinéma (des défauts d’écritures semblables à ceux de son Avatar par exemple), il serait dommage de bouder son plaisir devant une telle proposition de blockbuster hollywoodien, bien plus originale dans sa forme et son propos que n’importe quel blockbuster Marvel aseptisé. Visuellement, Alita : Battle Angel s’impose aisément comme le film le plus abouti de Robert Rodriguez depuis Sin City, ce qui en soit n’est guère négligeable.