Les fantômes du Liban
Avec en filigrane la guerre civile qui a frappé le Liban (1975-1990), Tombé du ciel est une subtile parodie du film de genre qui use de la figure centrale du revenant, du fantôme. Un film à l’humour pince-sans-rire qui nous offre une galerie de personnages drôles et inquiétants, tous fantômes à leur manière, menant une existence risiblement absurde. Loin du drame social, Wissam Charaf nous emporte avec une dérision loufoque dans une boucle infernale de l’éternel retour. Son cinéma de l’étrangeté situé au croisement de chemins entre Aki Kaurismäki et Elia Suleiman, s’amuse avec une grâce naturelle des codes cinématographiques. Des machos se battent, tuent, matent les filles et rêvent de belles bagnoles. Des bourgeois font la fête dans des piscines alors que retentissent au loin les attentats suicides. Cet univers frétille d’anti-héros imprévisibles, semblables à des personnages de bandes dessinées qui tournent en rond dans des situations récurrentes dont ils peinent à se soustraire. Wissam Charaf nous livre une mise en scène très moderne du cinéma de l’absurde, qui fait la part belle aux cadres synthétiques et chorégraphiés, comme à la colorimétrie soignée des décors. Tombé du ciel avance l’air de rien et dit plus qu’il n’en a l’air. Il nous livre un instantané à la fois tendre et ironique de Beyrouth où l’amnésie, la paix, les voitures de luxe et les night-clubs font bon ménage avec les armes, les explosions et les hommes de main.