Battleship Island -12

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Pendant la Seconde Guerre Mondiale, plusieurs centaines de coréens sont emmenés de force sur l’île d’Hashima par les forces coloniales japonaises. L’île est un camp de travail où les prisonniers sont envoyés à la mine. Un résistant infiltré sur l’île élabore un plan d’évasion géant, afin sauver le plus grand nombre de prisonniers possibles...

Vos commentaires et critiques :

Sur fond de récit d'évasion, de manuel de survie et de dénonciation de crimes de guerre, Battleship island est une symphonie furieuse et fracassante.
Vous connaissez peut-être déjà sans le savoir l'île d'Hashima pour l'avoir aperçue dans Skyfall ou visitée en photos sur un de ces pièges à clics du genre "dix lieux abandonnés qui vous donneront la chair de poule". Sur une superficie d'à peine plus de 6 hectares, l'îlot est couvert de bâtiments en ruines dont l'extrême concentration témoigne de l'activité qui y régnait. Hashima a été acquise à la fin du XIXème siècle par la compagnie Mitsubishi qui voulait exploiter sa mine de charbon. Au fil du temps, une ville y a été construite pour loger les mineurs et les administrateurs. A une époque, plus de 5000 habitants y ont vécu, ce qui en faisait un des endroits les plus densément peuplés du monde, jusqu'à son abandon total en 1975. Aujourd'hui, l'aspect particulièrement sinistre de cette île fantôme prend tout son sens lorsqu'on sait que pendant la guerre, les Japonais y ont fait travailler de force des milliers de Coréens dans des conditions inhumaines.
C'est leur histoire que raconte The Battleship Island, mais avec une dimension politique qui l'élève au-dessus de la simple reconstitution. S'il y a un peu de La grande évasion dans le film, il y a aussi beaucoup du Pont de la rivière Kwai, explicitement cité à l'occasion d'un gros plan sur les chaussures des prisonniers pataugeant dans la boue à leur arrivée au camp de concentration. On retrouve la même exploitation illégale d'êtres humains pour contribuer à l'effort de guerre japonais. Ici, ce sont des civils coréens qui pensaient avoir signé pour un emploi au Japon. En réalité, les hommes et les jeunes garçons sont envoyés dans la mine de charbon, tandis que les femmes sont réduites en esclavage sexuel. Le film évoque la révolte et la tentative d'évasion d'un nouveau contingent de travailleurs forcés, à travers le point de vue d'un musicien d'hôtel qui survit comme il peut tout en cherchant à protéger sa fille préado. Autour de lui, un gangster coréen, une proverbiale pute au grand cœur, un résistant infiltré, quelques collabos fourbes, sans oublier les Japonais cruels. Chacun est précisément défini, et permet de développer des fils narratifs secondaires qui ne détournent jamais l'attention de la direction générale, parfaitement maîtrisée.
L'opulence de la production impressionne, depuis les scènes musicales qui ouvrent le film dans le décor d'un hôtel de luxe, jusqu'aux monstrueuses batailles rangées, orchestrées comme un équivalent visuel de heavy metal. Lorsqu'il décrit le chaos, le réalisateur Ryoo Seung-wan le fait avec la précision de Spielberg, mais il y ajoute une dose de brutalité renversante, comme à l'intérieur de la mine de charbon où des wagons remplis de minerai dévalent la pente, quittent les rails, percutent les parois et broient les corps. Un sommet de délire est atteint lorsque les insurgés attaquent les soldats japonais à coups de dynamite et de cocktails molotov dans un déluge de poutres métalliques, alors que résonne en fond musical Ectasy of gold d'Ennio Morricone! L'emprunt n'est pas si incongru, d'autant que Le bon, la brute et le truand a déjà été cité lors d'une séquence chargée d'ironie où les musiciens doivent jouer un air gai tandis que leurs compatriotes sont brutalisés à côté. Récemment, le Japon a demandé la classification de l'île d'Hashima au patrimoine mondial. L'Unesco le lui a accordé, à condition que des mesures soient prises pour perpétuer le souvenir des victimes, mais jusqu'à présent, l'office du tourisme japonais n'a jamais rien entrepris dans ce sens. The Battleship Island semble vouloir rectifier à sa façon : depuis sa sortie, il a été vu par plus de 6 millions de Coréens, et il n'a pas fini de répandre son message dans le monde